bleu fushia

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Et danser sa vie… (5)

©Bleufushia

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Une des grâces de l’enfance, c’est sans doute cette danse permanente, mouvements de bras fugaces et élégants, légèreté rêveuse, art du déséquilibre toujours à la limite de la rupture mais jamais rompu, liberté du geste… que nous, adulte, avons perdus, définitivement lourds et patauds que nous sommes devenus.

Et la plage est un espace où les enfants se permettent toutes les audaces.
J’en ai gravé quelques unes sur ma rétine, et ça a donné cette chorégraphie certes imparfaite, mais l’imperfection n’est que de mon fait.

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Si vous avez loupé mon autre essai antérieur d’images animées à la plage, vous pouvez vous rattraper en visionnant « Balade en bord de mer », une petite déambulation sans prétention :

https://bleufushia.wordpress.com/2014/11/18/deambulation-1-video/


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Lettres de vacances (4)

Les hommes de l'eau ©Bleufushia

Les hommes de l’eau
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Sur la plage, je regarde les gens.
Ils courent sur la bordure mouvante de l’eau (surtout les enfants, je ne sais pas si vous avez remarqué combien les enfants courent au bord de l’eau), font de la gym ou des acrobaties, jouent au ballon, bâtissent des châteaux, s’enduisent de crème, rôtissent, lisent, papotent, s’embrassent, s’ignorent, se sourient, dorment, mangent, s’ennuient, s’amusent, téléphonent,

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…se montrent, téléphonent encore,

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…se baignent, plongent, boivent la tasse, jouent aux raquettes en ratant presque toujours la balle au premier échange, mais en continuant quand même, s’habillent et se déshabillent, engueulent leurs gosses, ou non…
D’autres font des trucs plus décalés.
Par exemple, tricoter par 35 degrés

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… ou marcher sur l’eau (sur des « paddles » – j’aimais mieux quand j’étais gamine, quand on appelait ça des périssoires, et ce simple nom créait un petit frisson d’aventure)
… ou encore pratiquer d’obscures cérémonies à la déesse de la mer

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Et puis il y a les rêveurs, les créatifs, ceux qui ont toujours rêvé de s’exprimer et qui en ont soudain le temps, et une immense feuille à disposition.
Ils ne veulent pas forcément laisser une trace indélébile, juste griffonner quelques mots, tracer des cœurs, écrire leur nom, poser leur empreinte, l’espace d’un instant. Exister, penser, et le dire.

Souvent, ils effacent le message aussitôt écrit, comme s’ils n’avaient fait que dialoguer un bref moment avec la plage. Ou avec eux-mêmes. Et que ça ne concernait qu’eux. Comme si ce qui importait était le tracé, la griffure du sable, le geste plus que le passage à la postérité.

Parmi ceux-là, envers lesquels je ressens comme de la tendresse, il y a
… l’adolescente mélancolique au rimel dégoulinant qui a passé un grand moment solitaire à tracer un message sur le sable pour l’effacer, à peine posé. Nul doute qu’il traitait « des pas des amants désunis que le vent efface sur le sable »

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…le conceptuel, qui dessine le plan d’un château merveilleux au lieu de le construire, et ça lui suffit. Pas besoin de s’épuiser à réaliser ses rêves, il lui suffit de rêver.

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…celui qui clame son amour à sa belle, en l’absence de la belle, mais néanmoins devant témoins.

« Je t’aime, ma princesse »
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…celle qui, dans le soir couchant, s’écrie « plain de bise » pour un destinataire inconnu, et qui, l’écrivant, fait un pied de nez à Bescherelle

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… ce rebelle (ou ce prof ? ou ce prof rebelle ? ou un défenseur de l’orthographe ?)

Faux ! ©Bleufushia

Faux !
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…ces deux lycéennes tout juste diplômées dont j’ai entendu seulement la fin de la conversation :
– oh non, ça c’est trop long à écrire, on devrait plutôt écrire qu’on a eu le bac, mais avec les pieds
– pourquoi avec les pieds ?
– c’est juste que j’en ai marre des mains

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Sur la plage, j’aime à regarder les gens.

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La sirène (3)

©Bleufushia

Sirène de sable ©Bleufushia

Elle est là, sur la grève, alanguie face au soleil déclinant.
Dans une pose pas vraiment lascive. Juste allongée, calme.
L’œuvre d’une main adulte : j’ai vu faire, de loin, le jeune homme qui l’a créée, et c’est seulement lorsque la plage s’est vidée que je me suis approchée pour la contempler.
J’ai toujours eu un faible pour les sirènes.
Je me suis éloignée un peu, en la gardant dans mon angle de vue cependant, pendant que moi aussi, je contemplais, avec elle, le soleil qui rougeoyait doucement, là-bas, à l’endroit où un cyprès gracile s’élance entre deux pins parasols.

Un peu plus loin, un groupe s’est installé pour un apéro sur la plage (la grande mode cette année, sans doute une conséquence de la canicule : c’est vers 8 h du soir qu’on arrive enfin à ne plus ruisseler, et le bord de mer, avec la brise douce du soir, c’est bon, juste bon. Et je ne suis pas la seule à ressentir cela).

Les enfants l’ont repérée tout de suite, se sont approchés en chuchotant : une sirène, c’est un peu magique, ce n’est pas comme un château.
Rapidement, ils ont vu la mer qui monte toujours un peu plus et qui menaçait la belle.

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Sans vraiment se concerter avec les autres, un premier a commencé à consolider la frêle barrière de sable qui la séparait des vagues du soir, un autre a continué, et au bout d’un moment, ils étaient tous là à s’occuper de la protection, à prendre soin d’elle.

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Le ballet des va-et-vient a continué un grand moment, et j’ai admiré le sérieux que ces enfants consacraient à leur tâche. Et la façon harmonieuse dont ils collaboraient ensemble, tendus vers un but commun.
Que ce but soit relativement dérisoire ne les arrête nullement : c’est l’action, la solidarité, et l’activité symbolique qui compte.
Et sauver une sirène, ce n’est pas rien !

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Je fréquente des parcs publics, et ai vu souvent jouer mes propres enfants. J’ai souvent été frappée du nombre de disputes, d’éclats, de luttes entre gamins qui émaillent les jeux.
Par contraste, je me fais soudain la réflexion que sur une plage, il est très rare que je sois témoin de ces petites luttes de pouvoir, de disputes, de cris.
Sur la plage, et c’est cela que je contemple à ce moment même et qui me frappe, les petits humains collaborent en douceur, s’absorbent dans des actions souvent communes, dans des créations qui les retiennent de longs moments dans une harmonie de collaboration.

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Je ne sais à quoi c’est dû, peut-être la présence apaisante de la mer.
Je me dis qu’il serait bon que le monde soit une plage.
Je retourne me baigner encore un peu.
Du large, je vois qu’ils ont terminé leur œuvre de protection.
Ils courent un peu sur la grève, s’amusent à autre chose.
A un moment, les adultes se lèvent, rangent les verres et les bouteilles.
Juste avant de partir, sans apparemment se concerter, les enfants sautent sur la sirène et la détruisent, avec la même solidarité qu’ils ont eue dans la protection.

Je me désole intérieurement, elle me plaisait, cette sirène.
Eux non, ils rient, je les entends.
Et je me dis soudain qu’ils sont dans le vrai : pourquoi s’attacher à conserver à tout prix un objet (fut-il presque « humain ») alors qu’il peut vivre aussi bien dans l’imaginaire ?

Finalement, l’important, c’est peut-être uniquement ce qui circule entre les humains.

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Le monstre de la plage (2)

Ce matin, j’ai amené de la lecture à la plage, pour agrémenter un peu le moment où je sèche.
J’ai retrouvé un vieux A.E.van Vogt dans la bibliothèque familiale.
Hier, c’était L’enfant de la haute mer, de Supervielle, une histoire de science fiction totalement barrée qui se passe parmi le peuple des noyés. Aujourd’hui, comme je la joue thématique, j’ai choisi une des dernières nouvelles du recueil, La créature de la mer.
Une sombre histoire de requin qui prend une forme humaine pour se venger des pêcheurs qui massacrent ceux de son espèce.
Vieux, mais d’actualité, avec les histoires récentes de requins qu’on extermine pour s’emparer de leur aileron, prétendument aphrodisiaque.
J’étais à moitié absorbée dans ma lecture quand je l’ai remarqué.
Et je me suis retrouvée témoin d’une scène étrange, qui faisait un drôle d’écho à ma lecture.

Il sortait tranquillement de l’eau, quand il a tendu l’oreille vers un bruit qui avait l’air de l’inquiéter. Pas très loin, je voyais des bulles, un remue-ménage et l’eau qui avait pris des reflets verdâtres.

©Bleu fushia

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Il a mis ses lunettes pour tirer l’affaire au clair, est retourné vaillamment vers l’eau (moi, je me serais méfiée à sa place), et a fini par trouver ce qui ressemblait à un pied.

Il l’a observé attentivement.
Moi, pendant ce temps-là, je le regardais par-dessus mon livre, pour voir s’il allait mieux s’en sortir que les personnages.
C’est le moment que le monstre a choisi pour sortir sa tête de l’eau.

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Le garçon s’est enfui pour échapper à ses griffes, et pour aller chercher un équipement adapté au combat.

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Prudemment, il l’a arraisonné, en calant le filet sur sa tête : le monstre semblait fait.

Il a assuré un peu plus la prise.

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Puis il a examiné assez longuement les pattes avant de la chose, peut-être pour repérer s’il y avait quelque chose d’humain  Elles  paraissaient étranges, peut-être recouvertes d’écailles. Enfin, je ne peux pas vraiment me prononcer, j’étais à quelques pas de là et ne distinguais pas bien les détails de la scène.

Tout ce que je peux dire, c’est que le monstre était sans doute surpris, ce qui peut expliquer son calme relatif.

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J’aurais voulu prévenir l’enfant que la situation pouvait se renverser à tout moment, mais je n’osais pas bouger, et pour l’instant, l’enfant semblait contrôler ce que je ne sais comment qualifier. Ni humaine, ni animale, la créature semblait étonnamment amorphe.
Je m’attendais au pire.
La bête, soudain, s’est dégagée et l’a empoigné avec un mugissement rauque.

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L’enfant a crié aussi, et j’en ai eu des frissons sur la peau.

Malgré ma peur, je m’apprêtais quand même à intervenir, mais l’enfant s’est dégagé prestement, et a renversé la situation : en assommant la créature du bord de son arme fatale, puis en l’aveuglant.
Imparable ! Le monstre n’a plus opposé la moindre résistance.

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Le monstre vaincu, il ne restait plus qu’à hâler le trophée jusqu’au sable, où, une fois échoué, il se dessècherait sans doute à grande vitesse.

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La fin m’indifférait, l’affaire était résolue.
J’ai replongé tout de go dans mon livre, pour savoir comment la créature de mon histoire allait s’en tirer.
Souvent, la littérature fait palpiter la vie.

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