Sur la plage, je regarde les gens.
Ils courent sur la bordure mouvante de l’eau (surtout les enfants, je ne sais pas si vous avez remarqué combien les enfants courent au bord de l’eau), font de la gym ou des acrobaties, jouent au ballon, bâtissent des châteaux, s’enduisent de crème, rôtissent, lisent, papotent, s’embrassent, s’ignorent, se sourient, dorment, mangent, s’ennuient, s’amusent, téléphonent,
…se montrent, téléphonent encore,
…se baignent, plongent, boivent la tasse, jouent aux raquettes en ratant presque toujours la balle au premier échange, mais en continuant quand même, s’habillent et se déshabillent, engueulent leurs gosses, ou non…
D’autres font des trucs plus décalés.
Par exemple, tricoter par 35 degrés
… ou marcher sur l’eau (sur des « paddles » – j’aimais mieux quand j’étais gamine, quand on appelait ça des périssoires, et ce simple nom créait un petit frisson d’aventure)
… ou encore pratiquer d’obscures cérémonies à la déesse de la mer
Et puis il y a les rêveurs, les créatifs, ceux qui ont toujours rêvé de s’exprimer et qui en ont soudain le temps, et une immense feuille à disposition.
Ils ne veulent pas forcément laisser une trace indélébile, juste griffonner quelques mots, tracer des cœurs, écrire leur nom, poser leur empreinte, l’espace d’un instant. Exister, penser, et le dire.
Souvent, ils effacent le message aussitôt écrit, comme s’ils n’avaient fait que dialoguer un bref moment avec la plage. Ou avec eux-mêmes. Et que ça ne concernait qu’eux. Comme si ce qui importait était le tracé, la griffure du sable, le geste plus que le passage à la postérité.
Parmi ceux-là, envers lesquels je ressens comme de la tendresse, il y a
… l’adolescente mélancolique au rimel dégoulinant qui a passé un grand moment solitaire à tracer un message sur le sable pour l’effacer, à peine posé. Nul doute qu’il traitait « des pas des amants désunis que le vent efface sur le sable »
…le conceptuel, qui dessine le plan d’un château merveilleux au lieu de le construire, et ça lui suffit. Pas besoin de s’épuiser à réaliser ses rêves, il lui suffit de rêver.
…celui qui clame son amour à sa belle, en l’absence de la belle, mais néanmoins devant témoins.
…celle qui, dans le soir couchant, s’écrie « plain de bise » pour un destinataire inconnu, et qui, l’écrivant, fait un pied de nez à Bescherelle
… ce rebelle (ou ce prof ? ou ce prof rebelle ? ou un défenseur de l’orthographe ?)
…ces deux lycéennes tout juste diplômées dont j’ai entendu seulement la fin de la conversation :
– oh non, ça c’est trop long à écrire, on devrait plutôt écrire qu’on a eu le bac, mais avec les pieds
– pourquoi avec les pieds ?
– c’est juste que j’en ai marre des mains
Sur la plage, j’aime à regarder les gens.
©Bleufushia
17 août 2015 à 18 h 53 min
Et puis il y a tous ceux qui n’écrivent rien, ne laissent aucune trace et qui pourtant habitent intensément ce lieux l’espace d’un instant. Encore merci pour ces moment profonds et légers.
17 août 2015 à 19 h 06 min
🙂
‘jour, toi !
18 août 2015 à 20 h 46 min
J’adore ! Trop grave plain de jolies choses sur ta plage (commentaire écrit avec le nez parce que j’ai une entorse et que moi aussi j’en ai marre des mains !) 😀
18 août 2015 à 21 h 30 min
hi hi hi ! le nez, ça doit pas être évident au bout d’un moment !
Une entorse, mais je croyais que tu ne bougeais pas de ta table de travail ! ma pauvre, en été, en plus, ce n’est pas drôle.
Merci de ta lecture toujours attentive et de tes gentils commentaires.
18 août 2015 à 22 h 14 min
Je me suis cassé la figure quasiment à l’arrêt (et non je n’avais rien bu – enfin trop de café) en attendant le bus pour aller chez un éditeur ! Mais j’ai depuis transféré ma table de travail à la campagne, entre les araignées et les fourmis 😉
18 août 2015 à 22 h 27 min
un peu trop de fatigue ?
18 août 2015 à 23 h 26 min
Il paraît que marcher dans l’océan, c’est top pour soigner une entorse…. (Cérémonies à la déesse de la mer ?) 😉
19 août 2015 à 9 h 53 min
c’est peut-être ça 🙂
Cela dit, elle était plutôt immobile, la donzelle !
Mais si toi tu as besoin… tu peux. Cela dit, moi, j’émarge du côté Grande Bleue : pas certaine que ça soit aussi efficace 😀
20 août 2015 à 10 h 24 min
quelle tendre tranche de vie 🙂
20 août 2015 à 10 h 31 min
génial ! j’aime ton regard sur les choses.
Quant au téléphone, jusque dans l’eau !
Je voyais l’autre jour un panneau dans un bistrot : « on n’a pas de wifi, et si vous parliez avec les autres ». On pourrait mettre à l’entrée de la plage : « le téléphone n’est pas recommandé, en revanche, l’écriture cursive, oui ! »
20 août 2015 à 10 h 38 min
le besoin de laisser sa trace, de s’affirmer… quitte à écrire avec les pieds 😛
Tu me fais rire avec tes chroniques. Et je me dis que je n’observe pas suffisamment ce qui m’entoure. Je vais tenter de le faire maintenant : c’est fou ce que tu vois et qui donne à penser ou à sourire.
Bravo pour tes instantanés d’été, on a l’impression d’être sur la plage.