bleu fushia

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Le classique moderne

Picasso, par Arnold Newman (1962)
Picasso (Arnold Newman /1962)

Préliminaires

Ce matin, rendez-vous dès potron-minet pour faire refaire mes lunettes.

Le bonhomme qui me reçoit porte une veste pied-de-poule (quel nom bizarre quand même) ET une cravate du même motif. L’ensemble doit dater de son grand-père, la dernière fois que j’ai vu du pied-de-poule doit remonter au siècle dernier. Et il croit sans doute drôle de s’être coiffé avec une crête. A mon avis, que je tairai ici, ça craint un max.

Je m’assieds en face de lui, et pendant qu’il consulte mon dossier, mes yeux tentent de s’accommoder : entre la veste et la cravate, ça gondole dru. Il lève enfin les siens, d’yeux, constate – je suppose – mon regard quelque peu égaré et lâche :

« Vous diplopez, ma parole, votre ophtalmo ne vous a rien dit ? »

Je checke nerveusement dans ma tête mon vocabulaire de base, tâche compliquée par le pied-de-poule qui n’en finit pas d’onduler, pour constater que le mot le plus proche de celui proposé semble être diplodocus. Je la trouve un peu raide, celle-là, me traiter directos d’ancêtre, alors qu’on n’a gardé aucun volatile de concert, que je sache. Je lui donnerais bien un soufflet pour laver mon honneur (ça me rappelle une histoire véridique, arrivée à une amie prof : un autre gamin lui avait demandé pourquoi dans le Cid, on parlait de donner un gâteau au fromage).

Mais je choisis finalement de me taire, alors qu’il enchaîne : « Faudrait p’têt caler un prisme sur votre œil ».

Je renonce à lui dire que j’en ai deux, d’yeux (‘dedieu !), et il procède au montage du dossier dans un silence lourdement signifiant, dont je me fiche dans les grandes largeurs, pendant que j’essaie d’imaginer ce que donnerait sa veste vue à travers un prisme de diplodocus.

Le cœur de l’affaire

J’ai ensuite rendez-vous au restau avec un pote. Je suis en avance, mais je connais le patron qui me laisse m’installer sur la terrasse tout le temps qu’il me faut. Et j’ai bien besoin de la vue sur mer pour reprendre mes esprits.

Mais au moment où je me baisse pour m’asseoir, je constate, horrifiée, que mes chaussures préférées ont « deux trous rouges au côté droit ». Faut-il donc que, « comme des lyres, je tire les élastiques de mes souliers blessés » ?

Sakir Gökcebag (instagram)

Dites donc, les jeunes, on ne se moque pas : je ne connais peut-être pas le verbe diploper (qui, à mon avis, n’existe pas), mais j’ai fait des études, et suis capable de citer Rimbaud himself pour magnifier mon quotidien.

A propos, plus personne ne dit « souliers », vous avez remarqué ? Il y a quelques temps, j’ai employé ce mot devant un enfant éberlué, qui n’avait visiblement pas la moindre idée de ce que je voulais dire. J’ai cité le père Noël, les petits souliers… toujours aucune lueur dans ses quinquets : la chanson n’explique pas ce que c’est, après tout. Ça peut être un accessoire pour ses rennes.

J’ai lâché l’affaire : il paraît qu’il disparaît corps et biens plus de 3000 mots par an, dans le silence absolu des espaces infinis. Pendant que d’autres, ineptes, arrivent.  Ça fait partie des choses qui me touchent, l’effacement des mots. Et leur remplacement par du grand n’importe nawak. Mais ce n’est pas le sujet.

Même si je suis musicienne, la musique élastique des souliers blessés, ça va un moment. Un constat réaliste efficient s’impose. Le réalisme efficient, je viens de découvrir ce concept brillamment expliqué et appliqué à la politique, dans le dernier roman que j’ai lu, de la plume de Philippe Claudel*, et je l’ai trouvé trop cool. C’est un genre de réalisme dont on se fiche éperdument qu’il soit réaliste pourvu qu’il soit efficient.

M’andonné (comme on dit par chez moi), les pompes meurent (les miennes ont un air ouvertement subclaquant – un trou, c’est ouvert…), et en acheter d’autres fissa devient urgent.

J’ai été élevée avec le dicton « il faut suivre la mode ou quitter le pays », et qu’on choisisse une option ou l’autre, on se déplace, et ça ne se fait pas pieds nus, c’est un principe familial auquel je ne dérogerais sous aucun prétexte, n’insistez pas. J’ai vérifié rapido mon paletot, ça allait pour le moment. Pas forcément idéal, mais largement moins pire que celui de l’opticien.

Sivam Karim / Blue Wave (insta

ACTION

One

Comme je suis une fille top moderne, je fais les courses sur mon portable, depuis le restau, devant « la mer, la mer, toujours recommencée », hop hop hop, et en trois coups de cuillère à pot – façon de causer – je tape « chaussures » dans l’araignée, et s’affichent illico toutes les godasses du monde sous mes yeux ébahis.

Mais en tout premier lieu, gogol me propose avec insistance un cours sur la chaussure : ça devrait peut-être me mettre la puce à l’œil (je lis, sur mon ordi, je vous signale, et mon oreille est au repos), qu’on m’explique ce que c’est qu’une chaussure, je ne suis pas un perdreau de l’année. Normalement, à mon âge vénérable, on connaît un certain nombre de choses basiques. Mais soit, révisons !

Donc, on a une tige – c’est le dessus, et cette dénomination me ravit et me semble de bon augure, moi qui suis née au pays des fleurs, et dans la clinique du même nom -, tige dont le problème est de se raccorder correctement à une base, formée de deux parties : la semelle (jusqu’ici, tout va bien – c’est justement par là que mes vieilles grolles pèchent – ou pêchent ? je vis au bord de la mer, alors, je ne sais jamais), semelle elle-même toujours recouverte d’un cousu Strobel, qu’on appelle aussi, parfois, une semelle de propreté (elle est très vite sale, mais  bon).

Parenthèse, désolée, c’est plus fort que moi, j’ai comme une angoisse…

Même s’il y a une légère différence, une petite lettre, le nom de Strobel me fait remonter à la mémoire l’abominable Strubel-Peter, une horreur d’histoire que ma mère me lisait en allemand. Le Peter en question refusait de se laver (vous voyez le rapport ? la semelle de propreté… ha ha, y a jamais de hasard) et sa mère le torturait de mille façons pour le faire aller droit. Ça a été le cauchemar de mon enfance.

Je reprends ma respiration, et je continue. Zen !

Two

Le deuxième site m’explique comment faire de la publicité pour de chaussures que je voudrais vendre : je me morigène (ou y a pas d’plaisir), j’aurais dû taper « acheter des chaussures », parce que c’est certain que je vais avoir droit, dans le désordre, à l’histoire de la chaussure depuis le pithécanthrope, puis à une étude sur le fétichisme et plus si aff., mais docile, je lis les conseils, on ne sait jamais, si je devais me lancer un jour dans la vente de pompes. Le monde est si incertain.

Je vous la fais brève, il faut aller déclencher l’émotion chez l’acheteur, et même plusieurs émotions en même temps, en employant des mots choisis (genre « iconique, nouveauté, sophistiqué, lifestyle, suprême, séduisant, équestre (équestre ?), influenceur, classy, vogue… », indiquer que ça peut donner un nouveau twist (again baby ?) et nous faire nous démarquer de la foule. Tout ce qui « permet d’associer heureux et puissant, émotion et puissance » est bienvenu. Un exemple : « flower power, tes pieds seront au paradis » (pourquoi ça me fait émotionner directos version Satan et ses pompes ?)

internet (source non identifiée)

Et l’article conclut :

« Le but n’est pas qu’on vous achète quoi que ce soit, mais que vous suscitiez l’engouement. » (« sans aller trop loin non plus », nous conseille-t-on : « référez-vous à l’attirance fatale pour le viral qui a failli perdre certaines marques** »)

« Plus ce que vous proposez est laid et plus cela a des chances de faire le buzz. Et donc, de vendre. »

Et le pompon :

« Prenez garde à ce que le produit ne devienne pas réel avant d’être certain qu’il a suscité l’engouement, et ne cédez pas non plus à un moment historique (hystérique ?) d’obsession pour la réalité fictive ».

Alors, ça, le virtuel obsessif ça me connaît. J’ai déjà écrit là-dessus il y a longtemps, lorsque j’ai acheté ma voiture « bleu virtuel ***».

Forte de ces bons conseils, que j’engrange dans ma boîte à futurs potentiellement potentiels, je plonge dans le vif du sujet. Il me reste 10 mn, faut que je finalise, pour arrêter la musique élasto au plus vite.

Three

Rentrer dans le concret, efficacement, poser un choix judicieux… top chrono… à vos marques…

Je vous liste ce que je trouve, photos à l’appui. Vous me direz ce que vous en pensez.

-des bottes floues (je distingue mal si elles sont floues en hauteur ou en largeur, mais elles sont bath !)

-des chaussures gothiques

photomontage ©Bleufushia

-des chaussures vertes (rouges sur la photo – un truc pour les daltoniens ?), à base de plantes (seulement avec des tiges, sans semelles ?)

-des basket-maisons (avec un « s » à maison, mais pas à basket : je suis à moitié rassurée, je peux les amener en vacances, mais seulement à cloche-pied), une « vraie déclaration de style » qui permet de « combiner sa passion avec le confort » (c’est une pub sponsorisée sur facebook, qui m’en promet une « vente secrète ». Ça tombe bien, j’adore faire partie des happy few).

-des pantoufles  destinées à être utilisées dans la rue : « la pantoufle in the city », très tendance.

Jusqu’ici, tutto va bene. Même si ça défrise un peu ma conception de ce qu’est une chaussure. Mais je suis souple, pas de blème.

-une pub pour un appareil qui peut être connecté avec des pantoufles, une invention formidable qui a déjà endormi en 8 minutes plus d’un million d’insomniaques (d’un seul coup, la vision des millions d’endormis pantouflards branchés d’un coup me fait flipper, mais je continue).

-une pantoufle tigrée grande taille (une ? bon, OK, si elle est grande et qu’elle fait chaufferette. Ou alors, c’est pour unijambiste ?).

knickerbocker

-des sneakers à plateforme (alors là, le sneacker, je donne ma langue au chat, ça me rappelle vaguement le knickerbocker -et « les robes blan-an-ches »-, mais je subodore qu’il n’y ait aucun lien, on est quand même au 21ème siècle, Maurice Chevalier est mort, et on n’est pas dimanche), qui détournent les chaussures de leur usage quotidien (la largeur de la plateforme n’est pas précisée : je visualise plutôt des genres de raquettes, sponsorisées par Total). Une petite recherche m’instruit sur le fait qu’avec des sneakers, on peut arriver en douce, à cause d’un mix matières. C’est peut-être un truc pour une plateforme de détectives, staïle genre Uber.

-des silver shoes noires (l’impermanence est la règle de la vie, un jour silver, le lendemain, plus du tout).

-des chaussures hand-free (c’est sympa pour les manchots)

-les chaussures Air des années 80 : « the Air est de retour », c’est le classique moderne. Ah, celles-là pourraient me plaire, les années 80, c’est un peu ma jeunesse, et le genre moderne historique, c’est tout moi, ça.

Kane x Crocs

-des crocs à talons de 10 centimètres : et si je dépasse 50 euros, il y a « des chutes offertes ».

Jusqu’ici tout va toujours bien.

Enfin, presque, les godasses qui te font tomber, c’est quand même un concept avec lequel j’ai quelques difficultés.

Le fin mot de l’histoire

J’ai un peu le tournis. Je décide de prendre un apéro et de la hauteur.

J’en regarde une dernière :

Spécialement pour vous, des pantoufles virales que vous ne pourrez plus jamais quitter. 

photomontage ©Bleufushia

Spécialement pour moi : ils me connaissent bien. C’est la seule qui est écrite en italiques. J’ai une grand-mère italique, je suis fidèle dans l’âme. Ça me touche.

Jusqu’ici, tout va bien, super bien. Je domine parfaitement le sujet, avec une sorte de lucidité supersonique. Je vous explique.

Le virus équestre est arrivé au galop, poussé par des vents déchaînés depuis l’air des années 80, qui a dû être entreposé n’importe où, va savoir comment, dans une église gothique, si ça se trouve. C’est grand, une église, il y a du volume sous plafond pour stocker. Il a ensuite été répandu lors d’une vente secrète sur une plateforme (l’image que j’en ai est un peu floue, mais très iconique cependant, et il me semble distinguer des manchots in the city, impliqués dans la transaction, et des unijambistes classy qui touchent 50 euros chaque fois qu’ils se cassent la figure en dansant le twist).

On a inoculé le virus dans les semelles de propreté, pendant qu’elles roupillaient du sommeil du juste, ce qui permettait de les passer de silver à noires, et surtout de safe à dégueulasses. Il ne restait plus qu’à profiter de l’émotion des clients historiques, pour les convaincre d’enfiler les pantoufles iconiques. Quant au virus, il a comme conséquence de faire fondre les pantoufles jusqu’à ce qu’elles collent aux pieds pour la vie. Mais il reste confiné sous les pieds. L’attirance fatale pour le viral ne dépasse pas le niveau des chaussettes, mais se répand subtilement : c’est comme une sorte de drogue, ils nagent dans le bonheur. Puissants, heureux, sophistiqués…

Et si on y réfléchit bien, il n’y a que des avantages : plus de temps perdu à les enlever et remettre jour après jour. Plus besoin d’en racheter. Plus d’hésitation entre gothique vert et classique moderne.

Je me sens cool, prête à tout, de nouvelles pompes, un new lifestyle. A quoi tiennent les choses ? Je flotte un petit moment, plongée dans un doux rêve.

Un homme s’est installé à la table voisine. Le serveur vient lui demander ce qu’il a choisi.

« Je vais partir sur une escalope », annonce-t-il.

Je ne sais pas ce qui me prend, l’ivresse des pompes virtuelles peut-être, un instinct un peu sauvage, ou déjà la contamination en avant première (peut-être due aux pieds de la poule, certainement chinoise).

Ma décision me foudroie comme une lumineuse évidence.

Je me lève d’un coup, je ne veux pas qu’il disparaisse, cet homme aventureux.

« J’embarque aussi ».

En partance (photomontage ©Bleufushia)

© Bleufushia

*Philippe Claudel : Crépuscule

** Balenciaga, en l’occurrence (et « la mémoire de Christobal Balenciaga en aurait été avilie »)

***pour tout savoir sur ma voiture bleu virtuel, c’est par là : https://bleufushia.wordpress.com/2016/11/03/palsambleu/

Sinon, je n’ai rien inventé, tout ce gloubi boulga se trouve sur le net. J’ai eu envie de partager avec vous ma pantoiserie amusée devant le monde fucking moderne.


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A la rue

Transport en commun (linogravure de E. Savoye)

J’ai accepté de partir avec des copains pour une « innocente » virée vers la Cité de la rue – ou un nom dans le genre, je n’y ai pas prêté attention sur le moment, je suis crédule et de bonne composition.
« Tu vas voir, qu’ils ont dit, paraît que c’est velu et que ça décoiffe sec ».
Vu le mistral qu’il y avait, je n’avais aucun doute.
Mais il ne faut pas se fier aux noms (ni à rien d’autre, au demeurant), pas de rues dans la Cité de la rue. Aucune ? non, et pas de maisons non plus, rien que des containers en vieux métal rouillé, des véhicules en tout genre mais tous hors d’âge, des hangars immenses, vides et sombres, désertés.
Comme si le temps s’était figé.
Un mauvais pressentiment m’a effleuré l’échine, mais trop tard. J’avais accepté de venir dans cette galère.
Le temps de tenter de déchiffrer mon chemin dans les traces de pas, de suivre un vague « c’est par là » après la flèche violette (on ne se méfie jamais assez des couleurs : je n’aurais pas dû commencer la journée en lisant un article sur la Catastrophe ultra-violette, ce truc quantique trop chelou, ça porte la scoumoune) et je les avais paumés. J’étais au milieu de nulle part.
J’ai commencé à repérer, dans des coins assez peu visibles, des conseils sybillins gribouillés sur les murs, mais va-t’en savoir, peut-être que ça n’avait rien à voir, ou que c’était pour mieux perdre le monde – je dis ça, je ne voyais personne non plus – : «cherche la lumière qui crépite sur le plastique », « va te baquer sur la digue », « le sac rose qui résiste, c’est finish (sic) », « trouve le masque qui a touché une bouche qui ne pensait pas », « va croquer un oursin » (ça va pas la tête ?), « allez, boulègue ! », ou des questions : « pourquoi le temps semble détraqué ? » (mais de quel temps il s’agit ? tous les objets obsolètes me font douter fortement).
Ça ne m’aidait pas lerche.

J’ai choisi d’avancer. Si tant est qu’on puisse considérer ça comme un choix.
Avec en tête le titre approximatif, mais lancinant, d’un roman lu dans une autre vie, une histoire de cheminement parmi des fantômes aux yeux troués. Ça y ressemblait, mais dans une Amérique en deshérence, du siècle dernier, un décor de désert en carton-pâte mis en scène par un clown moqueur.

De qui se moque-t-on ? Une sensation d’être tombée dans un piège d’un humour douteux.
Avant, dès l’arrivée, les images d’un cataclysme aux causes indéterminées : bus posé sur son cul, volant vers le ciel, caravanes abandonnées, vélos hors d’atteinte, fusée écrasée au sol, comme un inventaire à la Prévert sans raton-laveur, des bidons industriels bleus à perte de vue.

Nouveau, laissez-moi rire jaune !

Et le coup de la fusée de Tintin, on ne me la fait pas non plus !

Un panneau « route barrée » alors qu’il n’y a pas l’ombre d’une route à l’horizon (je sais que les routes ne font pas d’ombre, c’est histoire de dire)

Après ça, j’ai commencé à discerner des figures humaines, sauf qu’elles étaient dessinées, ou sous formes d’ombres (purs fantasmes, comme pour la route, sans personne de chair et d’os qui puisse créer une ombre), ou des personnages fantastiques, et même un enfant qui paraissait « authentique » – la photo ne trompe pas, pourtant.
Je vous laisse voir cela par vous-mêmes.

En vrac, peu importe, puisque tout ceci n’a aucune espèce de logique et de sens.
Ma déambulation se déroulait dans un silence sidéral -alors que toute cette tôle rouillée aurait dû grincer au vent -, et passait de lieux vides à des endroits sans repères possibles !
Je crois être tombée dans une faille de l’espace-temps, un endroit aveugle dans un temps incertain.

Le regard de ce dernier personnage m’a fait rebrousser chemin très vite, une impulsion incontrôlée, comme un indice de mon effacement prochain.

J’ai couru, dans une sorte de brouillard indistinct : le paysage était devenu subitement liquide, j’entendais même le grincement insistant d’une noria. Je ne me suis pas retournée pour en vérifier l’existence. Rien ne semblait vrai. Le bruit en était partiellement recouvert par des chuchotements dans une langue non reconnaissable.

Puis s’est imposé le claquement des haubans, avec la bande sonore d’un haut-parleur de gare, qui annonçait le train de 8h22, et on était hier.

J’avais été téléportée à l’Estaque (comment l’expliquer, autrement ?), il n’y avait plus aucun vent et les copains, installés dans un café, me hélaient.
« Tu as vu le petit escalier qui monte raide ? On se croirait dans un film de Guédiguian ! ».
Je ne leur dis pas que je sortais d’un scénario assez différent. Chacun son cinoche, after all !


©Bleufushia

En vérité, visite – ici partielle et partiale – d’un lieu très vivant, animé, superbe, plein de créations en tout genre, entre autres, tous les décors des animations de rue de Générik Vapeur – j’y ai retrouvé avec plaisir ceux de l’installation du 17ème arrondissement de Marseille (qui n’en compte que 16) lors de Marseille Capitale de la culture en 2013. J’y avais consacré un album photo facebook, d’ailleurs.
Il s’agit de la Cité des arts de la rue, installée aux Aygalades, un quartier de Marseille en bordure de l’autoroute Aix-Marseille (dans ce sens-là, on peut voir en contrebas le bus renversé qui sert d’amer, loin de la mer). Cet endroit permet, entre autres, à des compagnies de travailler en résidence. Il y a également un mur (le mur duf – pour « du fond « ) qui était hier le lieu d’une opération particulière : ce mur a été peint par des artistes divers 49 fois. Le 50ème avait décidé de faire oeuvre d’archéologue en isolant des fragments du mur destinés à être partiellement creusés pour en dégager des oeuvres aléatoires formées de la superposition des couches successives.
Une fois par mois, le premier dimanche, il y a des conférences, des animations, des expos, un marché de producteurs et d’artistes (c’est là que j’ai acheté la linogravure de la première photo de l’article, après une discussion chaleureuse avec l’artiste), des spectacles, des ateliers : c’est un endroit extrêmement sympathique et alternatif, où la parole circule, où tout le monde communique. J’y allais pour la première fois. Et en ai été ravie.
La photo des Ectoplasmes paréidolesques est un photomontage de Lili Tango (alias Bleufushia), et les photos sont à l’avenant.

Mon ami Pierre ne m’a pas prêté sa plume, mais m’a encouragée à faire part de ma balade : « allez boulègue, fais voir tes photos » (boulègue, ça veut dire bouge, en marseillais). Il livre une tout autre vision du lieu, plus précise, intéressante, avec de chouettes liens, dans l’article de son blog, le petit monde de Pierre : https://pierregrandmonde.wordpress.com/2023/12/05/digressions-autour-dune-balade-marseillaise/?fbclid=IwAR1VPTEQTgHVkW-B7PcaXCRUf86ESDL2nxPtIylxrB1oahQoWTMwWxCU3VU


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Je crois que ça empire (du milieu)

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Tiré d’une compilation sur des lieux mystérieux et abandonnés

Aujourd’hui, ça a commencé comme ça. Bien, quoi. Du total feel good.

De quoi me faire oublier qu’il y a toujours un envers à la tartine, un revers à la médaille, et un foutu petit germe de noir dans le blanc.

Réveillée à 5h55 (ouvrir les yeux sur une heure triple, ça me file toujours un frisson de satisfaction fauve), je suis sortie à la fraîche planter un plumbago, « sans même choper un lumbago », sifflotais-je pour me donner du cœur à l’ouvrage.

J’avais demandé instamment à Saturne de me foutre une paix royale. Souhait qu’il a eu l’élégance de respecter. Mais peut-être, tout simplement, qu’il pionçait encore. Saturne… à cause des propriétés du plumbago, dont je me fiche cependant, parce qu’il ne m’évoque en vrai rien d’autre que l’enfance, quand j’arrachais au passage ses fleurs, dont je mâchonnais la base.

Méga détendue de la fin de quarantaine, en somme.

Même si je ne suis plus de toute première jeunesse (malgré ma tendance aux blagues carambar, ou peut-être, à cause…).

J’ai enchaîné avec ce que j’appelle (depuis que j’ai adopté cette expression de mon magazine préféré) « la revanche du petit déj’ frenchy ». Ça donne un certain panache à la tartine, j’aime bien.

Le tout en feuilletant distraitement les vrais zoos sociaux, d’un côté, et en même temps, le fameux magazine. Faut pas croire, je suis vieille, mais encore agile de ma petite personne.

Que du bonheur !

Mon œil droit se réjouissait du courrier perso de la face du bouc, me rappelant que j’ai acquis il y a un an le badge « moteur de conversation », et que je mérite de le conserver, tant je suis « douée pour créer des publications qui intéressent les gens ». De l’autre, je parcourais avec nonchalance ce journal qui me donne toujours à penser philosophiquement profond, glanant des pépites de ci de là, à garder au chaud pour y penser plus tard :

– « je suis le bougeoir immobile » (ils aiment bien les oppositions plus ou moins oxymoresques – tiens, ce soir, je pourrais peut-être me jeter ma première petite mauresque –  pas oxydée – de la saison, pour clôturer une si belle journée…)

– « ici n’est plus ici » (je préfère passer pour l’instant, ça m’entraînerait trop loin)

– « l’invention de cette montre qui est une véritable icône horlogère, de la plus parfaite intemporalité »…

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A ce stade, j’ai commencé à trouver qu’il est bon que l’on bouleverse mes repères, mais que, quand même, il serait bon de ne pas passer les limites. L’intemporalité de la montre iconique, vous conviendrez que c’est un poil du lourd pour l’estomac, direct au p’tit déj’.

Dernières news

J’ai changé de crèmerie, ai courageusement plongé dans les dernières infos du covid, que je zappe depuis plusieurs jours, et suis tombée, entre autres, sur un article lié à maintenant (je ne VEUX pas savoir si maintenant est ou n’est pas maintenant, OK? en fait, ça parlait de hier, en plus !).

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Quelque part en Indonésie, les autorités ont déployé 340 000 militaires pour appliquer de nouvelles sanctions contre ceux qui violent les règles de distanciation sociale ou ne portent pas de masque.

Deux versions punitives : certains sont isolés dans une maison « hantée » et contraints à réciter des versets du coran, pendant que les autres doivent porter un panneau sur lequel ils affirment qu’ils s’engagent à porter un masque et garder leurs distances à l’avenir.

L’article disait que, dans les deux cas, les photos des «hors la loi» étaient ensuite publiées sur les réseaux sociaux pour obtenir un effet maximum (ça, ça m’a rappelé un sale souvenir de l’école primaire, cette « punition » imaginée par une instit sadique qui accrochait au cou des coupables –  de se ronger les ongles –  un os suspendu à une grosse corde-collier », avec lequel on devait tourner autour de la cour pendant toute la récré, soumis aux regards méprisants des autres. Je faisais partie, cette année-là, des réprimandées).

Sur le coup, j’ai lu ça sans trop y faire attention, juste en chassant le souvenir au plus vite, et je suis passée au post tout frais tout neuf de ma belle-fille.

L’image (comme me disait le rézoo avant de l’afficher) comprenait une femme et une fillette en maillot dans une piscine.

Ma belle-fille est asiatique, et elle se sert du réseau pour communiquer avec sa famille d’origine. Comme je n’ai pas appris sa langue, mais qu’elle et sa charmante enfant m’intéressent, je lis toujours ses posts de près, ainsi que les réponses de sa famille.

Plus ou moins aidée en cela par le traducteur bing, à qui il arrive cependant, parfois, d’être d’une obscure clarté.

[Je vous avais d’ailleurs sollicités, il y a deux ans, peut-être vous en souvient-il – voir le lien en fin d’article, si ça vous chante -, pour me prêter main forte sur l’interprétation de certains points étranges].

Dès que j’ai plongé dans la lecture, aujourd’hui, j’ai commencé à partir en vrille grave. Finis d’un coup, le blanc immaculé de la sérénité, l’harmonie sacrée du 5-5-5, les vertus curatives des plantes médicinales…

Fertig ! Raus !

Parce qu’on est en guerre, à ce qu’il paraît, même si on l’est moins que quand on l’était plus, et tout ce que je lis ressemble à des codes secrets comme deux gouttes d’eau, on n’apprend pas à une vieille singesse à faire des grimaces, je vous le dis, je repère la moindre contrefaçon entourloupante de mots, à la minute.

Franchement, je me demande de plus en plus ce qu’elle trame, dans sa piscine, avec son air adorablement innocent, avec ma petite-fille dans les bras, en plus !

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la dernière mode, selon mon magazine préféré

Dans quelle conspiration elle s’est fourrée ?

Je ne sais pas si nos vies sont en danger (même si, je le sais, il n’y a jamais de risque zéro, mais ce n’est pas de ça que je vous parle, nom de diou!), mais si je venais à disparaître, ne croyez pas sur parole ce qu’on racontera sur moi. S’il vous plaît !

LE FOND DE L’AFFAIRE

Je vous recopie ce que j’ai noté, j’ai un peu de mal, mes doigts glissent sur le clavier.

X. (un interlocuteur qui varie, mais pas toujours) : «  l’eau est à combien ? »,

A. (ma belle-fille) : «  il faut regarder la photo à l’air frais, la maison aligne le tapis pour qu’il pisse dans la conversation. »

X.  « Mais combien ? », insiste l’autre.

A. « Il est encore engourdi, horizontal et désolé, je travaille comme pilule avec ma sœur auto-fabriquée, et toute la famille est tellement purée ».

Là, je fais quand même partie de la famille, je sursaute, ça me fait un peu mal de lire ça comme ça. Mais, finaude, je pense tout de suite à « les carottes sont cuites, je répète, les carottes sont cuites » (la purée, quoi, vous saisissez l’allusion ?).
Nous sommes en guerre, je ne l’oublie pas.

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le ti shirt que j’ai acheté au moment du discours de micron

J’ai continué à suivre la conversation, comme si de rien n’était, pour en avoir le cœur net.

X : « c’est un peu chaud, non ?» (il parle de la purée ou de l’eau ?)

A. «  Non, la maison a 16 dents et le visage est une tendance de luxe. Apportez ma voix au travail pour moi ».

X. «  Ah ! » (l’air entendu, j’imagine).

A. « C’est difficile d’éviter la traduction à la maison, quand je suis à court de traduction, je dois manger un peu pour en valoir la peine, et si la traduction est épuisée, il y a un vaccin. Pour ne pas parler comme un canard écoutant le tonnerre ».

Pas de réponse…

A. (elle reprend) « J’adore le kit sec ji. Quel à l’envers ! Oui, quel à l’envers !»

X. «  Oh, elle est mignonne ! » (il parle de ma petite-fille pour faire diversion, là, non?)

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idem

A. «  J’ai juste une semaine pour le jeter au parapluie, pour le jeter à grand-mère. Je ne peux pas voir ma mère grandir toute morte ».

Là, j’interviens direct, la grand-mère, c’est quand même moi, et je ne veux pas qu’on me jette n’importe quoi.

Je me lance, en posant une question directe à A., ce qui me semble la meilleure stratégie : « c’est quoi cette histoire de parapluie, je peux savoir ? Tu veux peut-être dire parasol ?»

A. (très calme) : « si on me pose des questions sur le parapluie, je ne réponds pas. Je peux juste dire qu’il suffit de retourner au parapluie pour qu’il puisse balancer le parapluie

Moi : « euh? »

A. « Oh mon dieu, je vais revenir un jour avec le parapluie intérieur, après avoir sauté sur mon coeur »

Moi (un peu dépassée, j’y entends comme un soupçon de menace) : « mais faut peut-être pas le prendre comme ça non plus ! »
A. « L’eau est à 20 degrés, et je le redis, je vais donner naissance.
A 1,2 fille, rappelez-vous »

1, 2 !!!

Là, je me suis déconnectée aussi sec  (kit sec ji ?) de fb, et depuis, je n’ose plus y retourner.

Je réfléchis à l’absurdité de A.

Parler de parapluie dans une piscine en plein soleil, vouloir avaler des parapluies (dans une région où sévit la sécheresse), elle veut faire croire ça à qui ? Et puis lutter contre l’épuisement par un vaccin pour les canards (« canard » n’évoquerait pas en douce le pangolin ? et l’orage dont il est question, ça ne serait pas le nom d’une mission secrète, par hasard ?).

La maison à 16 dents avec des tapis qui compissent la conversation, ça ne fait pas terriblement maison « hantée » ?
Je crois de plus en plus qu’elle appartient à un gang qui utilise le parapluie pour se dissimuler et pour ne pas être reconnus sur les réseaux sociaux s’ils sont démasqués, ou pour disparaître si la situation se corse (en avalant son parapluie comme on se kamikase, en quelque sorte).

Et ce mystérieux « je vais donner naissance à 1,2 fille » ? Un mot de passe pour le déclenchement d’une opération de grande envergure, je ne vois que ça.

Je ne sais pas quoi faire. Et ma petite-fille, dans cette histoire, est-elle en danger ?

Dans le bougeoir, je préfère l’immobile, pour l’instant. J’en suis là.

Je crois que je relève des services de machin (j’ai noté un message hier, dans le commentaire d’un autre post : « j’ai mes mots de tête qui reviennent. Il faut que j’aille voir machin pour me soigner. Il a ce dont. »

Ce soir, si j’ai le courage, à la nuit noire, j’irai voir la suite. Je ne parviendrai pas à dormir, c’est évident. Il faut que j’en sache plus, si possible.

Je prends mon livre, en attendant. J’y lis « dehors, il fait septembre, c’est-à-dire presque rien »*.

C’est ça, il fait 28 degrés, j’ai la chair de poule version canard. Tiens, je vais me mettre une petite laine.

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comme un froid de canard avant l’orage, tout droit venu de l’enfance

©bleufushia

NB. Je n’ai pas transformé une seule phrase de la version du surréaliste correcteur bing. Je n’ai pas l’ombre d’une idée de ce que raconte A. Vous pouvez m’aider ?

Pour relire l’article précédent
https://bleufushia.wordpress.com/2018/09/13/il-est-ne-le-divin-enfant/

*Sorj Chalandon

What do you want to do ?

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Portrait de groupe sans dame

masque protecteur

Expliquer à une jeune anglaise, dans un rêve, le mot « conviction ».
Illustrer par un exemple : avoir la conviction qu’on existe.

Au réveil, ou peut-être encore dans le rêve, se demander si l’affirmation est pertinente.

Regarder sa propre carte d’identité en la trouvant fort louche. Trouver que ça ne prouve rien.

Toucher la peau de son visage, sous le ciel lourd et solitaire, pour éprouver si oui. Ne rien sentir.

Ne plus pouvoir naviguer vers les îlots de certitude où l’on se ravitaillait, la mer a été effacée, le paysage s’est évanoui, le monde est confisqué.

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Michael Borremans 1998

Se souvenir que si « navegar é preciso, viver não é preciso »*

Hésiter sur le sens qu’il y aurait à ne plus naviguer ni vivre. N’en trouver aucun. Douter de la possibilité d’une île.

Ne plus entendre, un instant, le mégaphone crachotant, menaçant, anonyme, qui, en boucle, strie l’azur vide (pas plus de 300 mètres, pas plus de 300 mètres), l’entendre quand même,  savoir qu’on est à 400 mètres,  coupable, indésirable, se sentir las.

Examiner le mot désir, le trouver sans substance.
Sans sortir, s’en sortir, en sortir… sang sort, tire.

chômeur, tu tires ou tu pointes
Observer le vide. Avec attention. Se taire.

ça fait un bail.
vieille baderne à badigoinces

La radio pour recouvrir le silence du cerveau déserté.
Traversée, sur un horizon en carton, de mots dépenaillés, obsolètes, de phrases incohérentes (plus de mots à soi, sauf les survivances des rêves).

tant de bouches béent
blafarde et chlorotique
dans un environnement si volatil, notre groupe, c’est du solide**
la vie, c’est pas de la confiture, c’est dur

S’asseoir dehors, sur un banc dur, se demander si cette audace va nous conduire au trou, penser aux trois vieux papis de Gotainer, sur leur banc moussu. Scruter le ciel pour guetter les corbeaux qui volent à l’envers pour ne pas voir la misère, et bayer aux chimères. S’imaginer papoter avec un papi, mais voir tout en austère.

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Se dire qu’en effet.

un bon bâilleur en fait bâiller sept
entrebâiller sa fenêtre peut vous coûter cher

Croire apercevoir une forme humaine, assez loin, mais confondre, peut-être, avec un mannequin connecté.
Etre tenté de s’approcher, de poser la main sur le bras, mais interdit, dangereux. Il pourrait en cuire. Les autres, tous les autres, sont des dangers potentiels. S’en souvenir, mordieu.

Avoir peur, ne pas savoir s’il faut ou non.
S’abstenir, renoncer.

le monde se redessine à l’aveugle
le monde est un jeu, il faut entrer dedans un peu masqué***

Réfléchir aux mots « un peu masqué ».
Préférer se taire

Essayer de se souvenir du temps où on n’était pas encore devenu figurant d’une mauvaise pièce, sans mouvement, sans action, sans décor, et sans public. Y parvenir à grand peine.

topor 1

Roland Topor

Avoir le réflexe pas très antique d’enlever le masque, pour ne pas risquer la prison.
Avoir le réflexe trop récent de le remettre, pour ne pas risquer l’enfermement.
Le mettre et être enfermé quand même.

l’inachevé qui nous achève
l’heure d’avoir le courage d’avoir peur

Se rappeler que, au début du début, les mots masque et visage étaient synonymes, et masque et linceul aussi. Avoir la tentation idiote de blaguer, vieille habitude, dans un ricanement, c’est normal, le masque-tombe.
Evoquer les blagues à deux balles de son géniteur, si t’es gai, ris donc, et si c’est rond, c’est point carré.

Penser dire une chose pareille à un jeune et imaginer son air navré.

il est possible de transposer dans une surface réduite l’esprit de découverte qui nous anime face à de grands espaces
Y réfléchir, lâcher le faire, ou l’affaire, un fantôme émarge-t-il encore à un genre ? Essayer d’imaginer les grands espaces, renoncer.

détoxifier l’ongle, pour avoir des happy feet

Se demander si, porté sur la bouche, un masque ne s’appellerait pas plutôt un bâillon.
Sourire au mur du salon.

Se taire, le bec cloué. Ne pas risquer la prison, l’amende, la mise au ban. Se faire tout petit. S’effacer.

Penser à Gorgô, la déesse grecque de l’altérité. Qui regardait son masque était pétrifié et transformé en cadavre. Prémonitoire, la gonzesse.

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Blog passionnant « regard éloigné », de Malaurie (entrée « démasquer le masque »)

Ne plus regarder personne dans la rue, et constater, en douce, que personne ne nous regarde. Se demander si on est devenu transparent.
Se dire que l’altérité est un drôle de truc, je est un autre, tout ça.
Effleurer l’idée d’une carrière hypothétique dans l’altérité de soi-même. En être fatigué.

Exhumer du passé une bribe de poême
telle une horloge comtoise
sur un petit chariot de déménageur
le silence des anneaux
empêche de crier

Même sans anneaux, ne pas crier.
S’entendre dire : je pense, donc je suis, et n’en ressentir aucun réconfort.

Constater que tous les sites internet demandent constamment notre permission pour respecter notre vie privée, au moment où on est privé de tout.

Les trouver franchement peu francs du collier.

S’inquiéter de voir sa boîte « trash » devenir « quarantaine ».
Ne plus oser l’ouvrir.

Se formuler que le monde nous étrange, trouver l’expression parfaite.

Se demander si on est aussi volatile que l’environnement, mettre un « e » à volatil, et jouer avec les nuances du mot, penser au pangolin, et au reste. Rigoler comme une niaise.

les poules échappent à l’âge pivot

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Roland Topor

Se souvenir des couleurs, un instant avant le monde.

Entendre, juste au moment d’éteindre la radio, life is magnifique

Se rappeler que ce n’est pas parce qu’on a un pied dans la tombe qu’il faut se laisser marcher sur l’autre****.
En être réduit à rêver aux happy feet.

©bleufushia

*Pessoa : « naviguer est nécessaire, vivre ne l’est pas »

**le pdg de pernod ricard, spécialiste du liquide !

***Fanny Ardant, interviewée il y a un an

****Mauriac (qui l’eût cru?)


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Non, mais allô !

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Avant

Il y a quelques mois, mon magazine people préféré me proposait de « suivre de nouvelles pistes ».

Chouette, sortir de sa zone de confort, écouter l’appel du large, tout ça… ça me parlait grave.

L’an dernier, le cercle polaire m’avait offert le coup de pouce pour une vraie renaissance, en me faisant élaborer dru une philosophie de la vie géniale (oui, oui) à partir de la pratique de la moto-neige, de celles qui marquent un avant et un après. Faudra que je vous raconte ça un jour.

En tout cas, j’étais prête à enfourcher n’importe quel fantasme un peu foldingue :

un séjour en igloo

une retraite en altitude

un moment zen à la montagne

un stage de capilliculture sur le mont chauve…

L’histoire s’est terminée en sit in sur mon canap’.

Mais « c’est moche moche, ou moche concept ? » m’a aussitôt demandé mon magazine.

Je ne sais pas, mais le fond de l’air est assez blues ! Et se sentir dévisser, c’est plutôt moche moche, quoique assez conceptuel (vu du corps avachi dans le fameux canap’).

Mais je pense que vous êtes au courant, et que, pour vous aussi, quelques aient été vos rêves d’ailleurs et de calme, ils se sont transformés en « intranquillité ici-même ».

A défaut d’être méga fun, les pistes les plus nouvelles se révèlent être les plus inattendues.

Comme le disait Edgar Morin dans sa dernière interview, nageant dans un paradoxe qui me parle : « j’ai passé ma vie à attendre l’inattendu ».

Et là, on a fait fort dans le scénar.

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tous derrière la vitre

Il y a peu

En tout cas, y a un truc certain, c’est que plus ça va, et plus je pars en sucette.

Je ne sais pas comment c’est pour vous, mais il me semble qu’insensiblement, perso, je me délite en douce.

Ce qui n’arrange rien, ce sont mes lectures, qui m’achèvent et font empirer mon état de déliquescence. Mon cerveau mouline dans tous les sens, tant, que je pourrais faire du beurre. Et j’en fais sans doute, mais il est encore trop mou.

Quand je bouge la tête doucement, cependant, depuis hier, ça fait slurp.

Si, je vous jure, dans le silence, je l’entends glisser entre mes deux oreilles. Ça me rassure un instant, il y a encore quelque chose dans la boîte crânienne.

Avant, dans une autre vie, je lisais des livres.

Un livre, ça vous accompagne.

Il en est des ardus, qui malmènent le lecteur, mais pour la majorité d’entre eux, ils vous tendent une main fraternelle et vous conduisent vers des moments de délectation, ou pas, en tout cas, on a le temps de se couler dans leur univers, de s’y faire une place, d’y revenir le lendemain prendre un petit café, en se sentant de plus en plus en connivence avec un tel ou un tel, de rêvasser, de se faire des cheveux, de réfléchir, et plus encore, tout en prenant le temps de s’accorder le coeur avec des êtres de chair et de papier.

Là, je ne peux plus. Je n’y arrive pas. Pas moyen, à la page 2, de me souvenir de la page 1.

Maintenant

Rien de tel avec les magazines. Quand on les feuillette (c’est mon activité prioritaire du moment), on passe du coq à l’âne en permanence, pas moyen de se fixer sur quelque chose. Ça aggrave mon cas, tout en me procurant un illusoire dépaysement.

Vous y arrivez, vous, à ne pas déraisonner ? À vous fixer sur un objectif ou une idée plus de 3 minutes ?

Parfois, je me dis que j’ai raté ma carrière : si au lieu d’écrire mes élucubrations sur un blog lu par trois « pékins » – AIUTO ! pas la Chine, pas la Chine – (merci à vous, mais c’est pas ça qui me permet le pécule me permettant des réserves conséquentes de PQ jusqu’à la saint glinglin), je m’étais fait engager dans un magazine people, j’aurais pu écrire n’importe quoi, pareil, en encore plus n’importe quoi que ce que je fais d’ordinaire, et me « payer une bague Nirvana avec mes émoluements ».

Parce que franchement, parfois, c’est du n’importe quoi élevé à un stade d’un très beau gabarit.

takashi murakami

Takashi Murakami

Mais je peux faire, si je veux, je mets les deux pieds sur le guidon, je ferme les yeux, je laisse aller Germaine, et zou ! Je me la joue écriture intuitive, j’intuite ce qui vient tout décousu foutu dépenaillu, ni vu ni connu, et c’est bouclé.

C’est comme de la poésie, mais genre, qu’on se fiche du sens.

Je suis devenu une poule sans gouvernail.

Ou comme le disait un titre énigmatique dans un des derniers Télérama : « des poils mous sur une surface machin »

La preuve par neuf (de pâques) : extraits choisis

J’y tombe sur des tonnes de « concepts » dont je n’ai jamais entendu parler de ma vie, staïle qui ne servent à rien de rien, mais qui ne mangent pas de pain :

– la body neutrality,

– la beauty routine,

là, faut pas se faire des nœuds ; imaginez que vous ayez la beauty neutrality, reconnaissez que c’est pas ce qu’il y a de plus sexy

– le rebounding chez Simone,

celui-là, je l’aime particulièrement… hop, en voiture, Charlotte ! Venez tous rebounder avec moi !Ah non, faut rebounder seul, zut, j’avais oublié, dans mon enthousiasme.

le « no gender » dans le make-up,

je ne sais pas ce que c’est, mais s’il s’agit de ne pas avoir de gendre qui me piquent mon make-up, ça tombe bien, j’ai deux fils, et c’est pas le genre, donc, un problème de moins.

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c’est la même Simone ?

Il y a aussi des conseils en tout genre, parfois légèrement énigmatiques :

-avoir confiance en soi dès le matin (avant le café, ça va encore, après, bonjour les dégâts !)

-pour faire le tri dans vos placards, suivez les préceptes de la papesse du rangement (la papesse, génial, je peux aller faire couvrir le sujet ?)

-soyez impériale, haletante (euh, oui, d’accord… j’enlève le pyjama et les bigoudis d’abord ? ou ça peut aller comme ça?)

-soyez immortelle et précieuse (les gars, z’êtes au courant qu’il y a un virus mortel qui se balade on ne sait pas comment, et il faudrait que je sois immortelle ? Certes, ça me botterait, y a le mode d’emploi avec ?)

– haut les seins ! (euh… mouais !)

– portez un jeu de trombones innocents corsés de diamants (je ne vous mets pas la photo, faudrait me payer cher pour croire à l’innocence du trombone diamanté !)

– n’oubliez pas le robot (là, ça se complique, et ça me fout un peu les jetons, je ne sais pas vous dire pourquoi).

– les 7 commandements pour bien tenir son rang (les deux premiers m’interrogent : éviter le « over dressed » (où il commence et où il finit, mystère !), sauf si vous êtes influenceuse, et ne soyez jamais avachie, nuée de photographes oblige. On me cache tout, je suis entourée de paparazzi qui se planquent de façon éhontée, et on ne m’a rien dit ! bon, je vais privilégier le tabouret pendant 5 minutes.)

Jusque là, j’ai réussi à rester à peu près calme, mais là où je disjoncte plein pot, c’est quand on se met à me poser des questions tout azimut.

Quelque chose en moi se fêle discrètement, parce que je n’ai aucune des réponses qu’on attend de moi, je le sens bien.

Et quand je lis les articles qui dévoilent le pot aux roses (c’est le printemps, Prosper et yop la boum), tout se brouille dans ma tête et je n’y comprends plus rien.

Et le monde me paraît extrêmement compliqué, d’un coup.

Je partage, parce que je ne sais pas si vous, vous vous posez (trois « vous » d’un coup, c’est autorisé ?) les bonnes questions…

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collage vite fait bleufushia (modèle de masque en l’absence de masque) : le masque « rien »

– De quel pays la marque de parfums de niche Byredo provient-elle ? (au secours !!! je n’ai jamais mis de parfum dans la niche du chien que je n’ai pas… c’est passible d’amende, vous croyez ?)

– Qu’y a-t-il de commun entre l’envol d’un oisillon et les balbutiements d’un Prix Nobel de Littérature ? (Euh, c’est « beau comme la rencontre sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie ? ». J’ai bon, là ?)

– Est-ce la fin de l’amour ? (No comment !)

– L’amour serait-il soluble ? (Dans le gel hydroalcoolique ?)

– Pourquoi le losange met-il le feu aux anges ? (Ça a sûrement rapport avec la forme des masques de protection. Mais si ça fout le feu, très haut, jusqu’à brûler les ailes des anges, franchement, je me sens mal, très mal…)

– La polémique : faut-il tenter l’ultraviolet ? (Ah, vous calez, je le vois).

Quand je me sens mal, je vais lire mon horoscope. C’est bien, c’est en fin de revue.

Et là, je leur tire mon chapeau. Voilà des gens qui savent mettre des mots sur ce que je vis, et me rendre le quotidien léger. Bonjour bonjour les hirondelles !

« La terre vous paraît petite ? Vos amours vous semblent fades ? Oubliez ! Grâce à votre planète dans le signe enthousiaste du sagittaire le premier, tout deviendra plus vaste et plus intense. Impossible d’aller de l’avant ? Rendez-vous retardés, déplacements annulés, courriers en souffrance, informatique déréglée ? Ne vous inquiétez pas !

Votre partenaire vous irrite , il vous empêche de faire ce que vous voulez ?

Essayez de prendre du recul, de porter un autre regard sur la situation. Attention, ne perdez pas de vue que les autres existent».

J’ai un peu beugué sur le fait que s’il était impossible d’aller de l’avant, il fallait que je recule. Et puis reculer dans un 20 m², ce n’est pas forcément si simple.

Mais à part ça, c’est quand même pas des gens qui racontent n’importe quoi, vous en conviendrez !

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confiné (affiche d’un film dont je ne parviens pas à retrouver les références)

« E agora José ? »

Philosophie dépenaillée à 2 balles la cagette de douze

Ça m’évoque un truc : il y a des années, j’ai travaillé, avec mes étudiants, au montage d’une revue musicale. J’étais chargée de la direction musicale, qui consistait, entre autres, à fournir le répertoire.

Le texte racontait les débuts de la guerre, le quotidien difficile, la vie des petites gens, et la drôle de guerre, avec cette attente, l’absence de futur, l’immobilité relative, la perte de contact entre les femmes (surtout) restées à l’arrière du front, et ceux qui y étaient… des choses qui ressemblent vaguement à ce qu’on vit maintenant.

J’avais écumé le répertoire possible, et en avais extrait 33 chansons dont le niveau de bleuette et de niaiserie m’avait sidérée. En fait, le contenu des textes oscillait entre le débile absolu, et le youp la boum, y a d’la joie, ya d’la joie ! puisqu’on vous !dit qu’il y a de la joie, nom de diou.

J’en avais conclu que les gens avaient besoin de s’évader dans du non-sens absolu pour supporter l’absence de sens imposée, de surenchérir, d’en rajouter. Que, devant la sidération qui les avait saisis, le seul recours consistait non pas à penser le maintenant, ou l’après, mais à s’étourdir dans du « nulle part ».

Je sens en moi la même chose, quand des fous-rires me prennent pour les blagues les plus nulles possibles sur la situation, ou quand je me livre, fascinée, à la lecture approfondie du Fig mag, en me demandant jusqu’où ils vont aller dans le déni et le n’importe quoi (et l’élitisme, au passage, de ceux qui se savent, momentanément, privilégiés)…

En fait, comme si un des objectifs de l’isolement, du confinement, de l’effacement progressif des repères spatiaux et temporels, la réduction de nos vies à un confetti de rien du tout tout jaune, c’était justement de nous faire atteindre la sidération, mère de toutes les dérives imposées possibles.

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début 2ème guerre

Questions

Au bout de combien de temps de confinement dévisse-t-on de toute réalité ?

Est-ce que le confinement sera levé quand 60 % de la population aura perdu le contact avec le monde ? Quand on ne sera plus capable de penser à rien ? Quand l’enfumage sera total ?

Ou quand on aura la réponse à la question de l’ultra-violet ?

On le tente, lui (me semble qu’il y a une théorie quantique qui parle de ça, mais dans le FM, il était question de fringues) ?

Ou on lâche l’affaire ?

Et on sort de la sidération ?

©bleufushia

What do you want to do ?

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Papiers, avenir et fanfreluches

« tous les hommes n’habitent pas » ©bleufushia

Comme tout le monde, je passe mon temps à ranger (des papiers), ne pas en faire une rame (de papier), éliminer (des papiers), jouer (avec des papiers) et trier (des papiers).

Un de mes voisins dépose régulièrement dans ma boîte aux lettres un magazine de mode pour femmes. Je ne l’aurais jamais ouvert par choix (et je le feuillette en me planquant de tout regard) mais il regorge de photos plutôt belles, dans lesquelles je pique souvent les matériaux de mes collages.

Aujourd’hui, j’innove grave, j’ai entrepris de jeter un œil sur les textes.

Et je m’en vais partager avec vous ma lecture, persuadée que vous n’avez pas forcément le temps de vous intéresser à des choses pourtant passionnantes et assez essentielles, vous, tout occupés que vous êtes à guetter des nouvelles du front.

Non, non, ne me remerciez pas ! C’est volontiers.

origine non retracée

Je me suis intéressée à mon horoscope de la semaine en cours, en quête de conseils qui me feraient sortir du canapé dans lequel je consume ma belle jeunesse vieillesse.

Bon, j’avoue, je n’ai pas lu le vôtre, le mien m’a suffi. Mais vous allez pouvoir l’utiliser si vous voulez.

Parce qu’il est rassurant, non, de savoir ce qui nous attend de bon, et pas seulement ce qui nous attend de pire ?

La constatation « vous êtes casanier » ressemble presque à une critique, mais comme c’est vrai, je ne la prends pas mal, et on me conseille de « sortir de ma routine ».

« Affranchissez-vous des contraintes enfermantes » (non, je ne mens pas!)

« Mercure vous impose un temps d’arrêt ».

Merci, Mercure (je croyais que c’était la faute à Jupitre, je m’a gourrée, donc. Au temps pour moi !).

Par ailleurs, une fois n’est pas coutume, l’horoscopologue y commente ses états d’âme en ces temps déchirés, où des choix idéologiques s’imposent douloureusement à lui. Il ne précise pas de quel signe il est, ni ce qui lui fait péter les boulons, maintenant, au point de s’incruster himself dans sa propre page.

Il explique qu’il lui est désagréable, mais qu’il y est moralement obligé, de modifier les catégories de ses prévisions (faut sortir de la routine, mon gars!), en faisant disparaître la rubrique « loisirs », alors même que c’est le chapitre phare en période printanière. Mais, conclut-il, cela pourrait paraître « indécent» de la conserver, et d’encourager les gens à folâtrer dans l’herbe verte.

Ainsi soit-il.

Versons collectivement une larme sur la rubrique défunte, mes amis. Il est vrai que la notion de loisir est absurde en temps de guerre, puisqu’il paraît que.

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collage à l’arrache ©bleufushia

Une autre chronique, qui m’a semblé traiter d’un problème de fond de la société, développe tous les écueils pouvant faire trébucher les journalistes présentant les infos à la télé (et particulièrement les femmes) en terme d’habillement.

Peut-on mettre un haut rouge lorsqu’on traite d’un attentat, par exemple ? C’est une question épineuse. Et la réponse peut mettre votre carrière en jeu. Je ne rigole pas.

La remarque du jour, je vous la livre :

«  Il y a des pièges à éviter. Je ne travaille pas dans une émission de divertissement. Quand on évoque le coronavirus, on ne porte pas de robe à frou-frou ».

Je ne voyais pas ça comme ça, mais vous conviendrez avec moi qu’il y en a qui ont des vies difficiles, et des questionnements existentiels qui nous donnent du grain à moudre (soit dit au passage, c’est bon, puisqu’il y a pénurie de farine).

Malgré tout, les affaires continuent, et chacun son job, d’autres méditent sur les changements de cap que la mode doit opérer.

Extraits choisis :

« La fin de l’ère de la mode ultramarketée est programmée, car nous vivons des mouvements sociaux, avec le rejet de l’hyperconsommation. Et ces attentes deviennent en soi des tendances de fond.  »

(et le fond, on le touche ?)

C’est quand même intéressant de trouver dans un magazine people de luxe l’idée selon laquelle l’hyper consommation ne serait plus tendance !

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« L’upcycling, le zéro déchet, l’économie circulaire deviennent de nouveaux axes de réflexion. Il faut maintenant asseoir une identité sur le long terme, installer un vestiaire en faisant fi des saisons, ou opter pour un axe plus activiste en explorant des voies presque scientifiques. »

(Une question : l’identité qu’on assoie, c’est celle de la femme sur son upvélo, cœur de cible ? vous remarquerez par ailleurs que sur un vélo, on n’est plus « en marche », mais « en roule »)

« Je réfléchis à ce qu’est une bonne jambe de pantalon ».

(ça, ça m’a laissée perplexe, jusqu’à ce que je trouve : il s’agit certainement de la mode pour uni-jambiste.  Il – c’était un homme – ne réfléchirait pas à ce sujet-là à propos d’un cul-de-jatte, j’en mets ma main au feu).

« Retournons à une forme de classicisme en rejetant le tout-contemporain galvaudé. Arrêtons le story telling. Jetons les bases d’une garde-robe idéale et pérenne, en se concentrant sur des produits complices.».

(complices de qui ? hein ? j’en frémis, ça me rappelle la nouvelle rencontrée ce matin :  la police croulerait sous les signalements-délation, dénonçant des gens qui ne respectent pas la loi)

Je suis cependant d’accord pour considérer que le « tout contemporain » émarge plein-pot au rayon total galvaudé sa mère.

Sur la page suivante, la mode pour ce printemps me paraît un peu décalée, les modèles sont tous exposés sur fond de plage, les pieds dans l’eau… avec le commentaire : « conquérantes et racées, les silhouettes des beaux jours apprivoisent, en all over, toutes les nuances de la nature sauvage, de la plus tendre à la plus intense ».

Moi je lis ça, et reste bloquée sur la question : au vu de l’état semi-dénudé des femelles exposées, le « all over » serait-il l’inverse du pull over ?

guy denning

guy denning : cours camarade…

Je ne sais pas pourquoi, selon une association incontrôlée de mon cerveau, comme d’hab (il n’en fait qu’à sa tête, le bougre, depuis deux jours où je tourne en boucle ce vieux slogan : « Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi ».
Comment, on ne peut pas ?

Ça tombe bien, j’ai toujours détesté courir !

Ah, j’entends un gling dans le silence : sur mon écran, s’affiche un « Game over » !

©bleufushia

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In fine, con fine

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Aujourd’hui, comme trois fois par semaine, je reçois une newsletter (que je n’ai jamais sollicitée, mais qui m’est arrivée toute seule, depuis que je suis considérée comme vieille, du genre « presque bientôt morte ») :

Astuces, recettes et remèdes de nos grands-mères (sic pour la faute d’orthographe).

D’ordinaire, je l’élimine sans la lire. Mais là, la moindre activité comble le vide des espaces infinis. Alors, j’y jette un oeil.

On y trouve des choses d’une brûlante actualité, comme vous allez le voir.

Ainsi le dossier du jour, en pleine crise sanitaire et alors que le pays est quasiment à l’arrêt.

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la blouse blanche est, elle, dans l’air du temps

J’avoue que je trouve sympa de nous proposer de quoi penser à autre chose qu’à l’étrange merdier ambiant. Et quoi de mieux que de vaincre la peur de l’avion quand les avions restent au sol, et que la probabilité qu’on en prenne un risque d’être remise aux « calanques grecques » !

Attaquer de plein fouet cette question va sans doute grandement contribuer à calmer nos angoisses du moment, qui oscillent entre la peur de la mort et celle du manque de « Napü ».

C’est comme ça, parce que c’est juste bon de rire un peu, que j’appelle le PQ, conformément à la réponse que donnaient les français, pendant la deuxième guerre mondiale, aux allemands qui leur demandaient du cognac (traduction proposée dans un dictionnaire français-allemand des armées de l’époque). Napü !!

Des histoires de double sens

Je suis toujours fascinée par les mots, leur étymologie, et j’ai été bercée par les leçons constantes de mon enseignant de père, pour qui le pilier de tout savoir résidait dans la connaissance approfondie des racines grecques et latines.

J’avais du mal à comprendre comment un verbe commençant par « con » (=avec), en venait à signifier seul et sans contact avec.

Du coup, n’ayant rien à faire de ma vie, je me suis intéressée à l’origine et au sens du terme confiner.

Pour découvrir que, étrangement, le même verbe signifie deux choses totalement opposées ! (ça ne doit pas être le seul, mais aucun autre ne me vient à l’esprit à la minute)

Le verbe vient de « confins », et des racines « con » (avec) et « finis » (limite).

Je vous la fais rapide (et non exhaustif) :

  • dans un sens, il y a l’idée de la proximité d’une lisière commune entre des choses, des concepts, des personnes, des territoires. Cela signifie : être tout proche de, voisin, ressemblant, qui a des affinités, qui se côtoie.

C’est comme ça qu’Aragon peut parler de « cheveux aux confins de la rousseur », ou Roger Martin du Gard de « tous les voisins du confinage ».

Un certain Amyot évoque même un moment particulier, dans une relation : « quand leurs confins viendraient à se toucher et qu’il n’y aurait plus rien entre eux ».

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bioluminescence sur l’île de Vancouver, aux confins entre terre et mer

Dans les exemples illustratifs que j’ai trouvés, certains me semblent particulièrement adaptés au moment.

« Cela confine à la folie »

« Il y a des opérations capitalistes qui confinent au vol » (Jaurès)

On ne saurait mieux dire, non ?

« Aux confins entre l’animalité et l’humanité » (quand on voit comment certains peuvent se battre pour un paquet de pâtes, par exemple)

    • dans un second sens, il ne s’agit plus de toucher, mais d’éloigner, de reléguer, d’enfermer, de forcer à rester à l’écart, dans un espace limité, dans lequel même l’air devient « confiné » (dans ces cas-là, on est dans sa carrée, confiné au carré !). Il est alors question de se barricader, de s’isoler, de se limiter, voire de tenter de se contenir (le confinement nucléaire, par exemple, fait partie de cette acception-là.

« Nous allons entrer dans une époque de ténèbres. On ne pensera plus qu’à l’art militaire. On sera très pauvre, très pratique, très borné. Il faudra se confiner chez soi et ne plus rien voir. » (correspondance de Flaubert en 1870)

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illustration du jeu Path of exile

Je n’ai pas réussi à trouver par quel glissement on a pu passer d’un sens à l’autre (celui de se toucher est le plus ancien des deux).

Le fait de nous confiner, sauf brièvement – en s’étant signé tout seul une autorisation de sortie, comme lorsqu’on taillait le bahut, ce qui devait nous donner une sensation de liberté transgressive – paraît seulement lié à la deuxième de ces connotations.

Sauf qu’il y a en réalité deux poids deux mesures. Et même plus.

Là où certains ne peuvent plus mettre le nez dehors, d’autres sont, de par leur profession, obligés d’être en contact (infirmiers, médecins…) et ce, dans une situation de pénurie hallucinante, qui en fait des soldats sans armes – puisque le champ lexical choisi fait référence à la guerre, dans le but de marquer les esprits, et de faire disparaître les « ennemis de classe ».

Les infirmiers ne sont pas confinés, ni dans un sens ni dans l’autre. Ils sont en situation de servir, de sauver, et priés d’oublier les risques qu’il prennent en faisant cela. Ils n’ont pas le choix, on peut « compter sur eux ».

Il existe des situations, comme les prisons, où les gens sont à la fois confinés et confinés, si j’ose dire. La double peine…

Et il y a une autre partie de la population qu’on envoie au casse-pipe sans raison «objective », et sans problème moral pour les dirigeants, en dehors de tout besoin de la collectivité.

Sans doute pour illustrer le premier sens du verbe : on les confine, nombreux, proches les uns des autres (et sans protection), dans des usines qui produisent pour produire, des choses qui ne servent à rien en ce moment (comme des pneus, par exemple, dans un moment où on n’a pas le droit de se déplacer).

Ces gens-là ont l’obligation absolue (et opposée à celles des « calfeutrés »), et le droit insigne de se fréquenter, de se côtoyer, sans gestes-barrières possibles, dans des lieux où la pandémie a déjà frappé, et pour la gloire éternelle de l’argent.

Mais on s’en fout un peu, en fait. Ce ne sont quand même que des ouvriers.

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petit jeu perso du jour : une réunion de famille interdite (pas plus de 5), même avec une protection maximale

Alors même qu’un seul mot suffirait pour tout arrêter (sauf nourriture et soins), on les met en danger, en les faisant travailler jusqu’à l’absurde.

Ça me fait penser à cette phrase « si on introduit un couteau dans un film, il faut bien qu’il serve ».

Pas de bol, le mot confiner a deux sens, pourquoi donc se limiter à un ?

Pour finir, j’ai caressé un temps l’idée d’aller m’installer à Confins, dans le Minas Gerais, pas loin de Vespasiennes (pour le Napü – qui ne peut manquer dans un lieu pareil), mais vu l’air brésilien du moment, je crois que c’est une mauvaise idée.

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«Infiniment lointain, terriblement étranger » (Tadeusz Kantor), tel est maintenant tout ce qui se trouve à plus de 200 mètres de notre nombril.

Je me demande, comme beaucoup, ce qu’il en sortira quand on en sortira : y aura-t-il encore un « après à St Germain des Prés » ?

©bleufushia

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Quand 2020 est tiré, il faut le boire

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Digression (je l’annonce d’emblée, comme ça, vous êtes au courant)

Vingt dioux, vains dieux, merdum, s’il y a UN truc important dans l’année, qui se passe précisément le premier janvier, c’est le concert du nouvel an à Vienne !

Et je l’ai encore loupé…

En fait, ça fait des années que cela m’était complètement sorti de la mémoire. Depuis la mort de ma mère. A laquelle je me suis enfin autorisée à zapper ce truc de ma vie.

Va savoir pourquoi aujourd’hui, ça me revient.

Incroyable tradition, non ? Et sortie d’où, palsambleu ? Au 21ème siècle, en l’an 20, quel fantôme du pithécanthrope continue encore à programmer le concert du nouvel an à Vienne ?

Le même, sans doute, qui nous fait revoir, année après année Le père Noël est une ordure.
Y en a qui ont de la constance sur la lucarne.

Mon enfance a été rythmée par ce rendez-vous « im-man-qua-ble », du moins pour mon autrichienne (de vie) de mère.

Pour elle, café bouillu, concert loupu, année foutue !

Pour moi, le truc, imposé à moi seule, la punition du premier janvier (aucune de mes amies de l’époque n’a jamais vécu avec, comme amer inamovible, ce rendez-vous télévisé improbable. Moi oui !)

Et vous, ça vous dit quelque chose ? Ah, vous voyez, je vous le disais !

Une fois par an, ma mère osait verbaliser explicitement LE rêve de sa vie : que sa rejetonne – moi, ici présente, quoi – un jour, danse la valse sur du Strauss, habillée comme une reine, à la cour de Vienne, avec une coiffure à anglaises.

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Elle me rêvait en Sissi impératrice, personnage prestigieux qui condensait l’image idéale qu’elle se forgeait de son pays abandonné pour toujours. Sissi, le pied léger et silencieux, virevoltant et froufroutant dans des salons luxueux et baroques.

Gamine, j’ai été confrontée à cette image projetée, impossible à atteindre, et d’une étrangeté totale.

A minima, je ne pouvais pas couper au pensum de l’écoute – les plom plom, c’était long ! – et de l’admiration devant les fastes et la musique, ni aux larmes d’émotion que cela tirait à ma daronne.

J’ai craqué à 12 ans. Refusant tout net l’inscription à un cours de danse, proposition qui en découlait, dans l’idée de faire de moi, enfin, une vraie Mädchen.

Cette année-là, le grand-père d’une de mes copines d’école, d’origine autrichienne aussi, a reçu le prix Nobel, et mon amie s’est retrouvée valsant avec son grand-père, pour la cérémonie de remise du prestigieux prix.
Ma mère a vécu ça dans une sorte de délire : si la copine pouvait faire ça, fille d’une autrichienne hors les murs comme elle, moi aussi. Y avait aucun doute.

Plus moyen de couper à mon destin !

Sauf que je n’avais pas de grand-père prix Nobel, et que ouf ! l’horreur de la situation vécue par Poppi (c’était son nom, « petite poupée ») m’a été épargnée.

A partir de là, j’ai affiché une maladresse physique, en partie feinte, visant à décourager tout géniteur sérieux d’envisager pour moi une carrière de danseuse, et j’ai commencé à refuser, aussi, de me coller sagement devant le concert en question. Par où passe la rébellion, on ne peut pas prévoir. Pour moi, c’était le pauvre Strauss et la mesure à trois temps qui en ont fait les frais !

Pendant de nombreuses années de ma vie d’adulte, alors que je ne vivais plus sous le toit familial, le premier jour de l’an a été marqué par un coup de fil de ma mère, le matin, tentant de me persuader de regarder le concert, et l’après-midi, par un deuxième coup de fil où elle me faisait part de son incompréhension totale devant mon indifférence et la trahison de mes origines : comment pouvais-je être fille d’autrichienne, pays d’exception s’il en est, et refuser à ce point-là les valeurs de base ? ça lui était inconcevable.

Autant que le fait de ne pas me rendre compte que, ce faisant, je faisais injure à tous les illustres personnages connus et admirables qui étaient autrichiens.

J’ai ainsi eu droit à Schwarzyenegger, Fred Astaire, Heidi, Hedy Lamar, Romi Schneider, et même Woody Allen. Et j’en passe.

Quoi, tu veux que je devienne comme Schwarzy, je lui demandais pour la faire redescendre…

J’ai toujours été un poil provocatrice.

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collage bleufushiesque à l’arrache

Ses fantasmes avaient beau se heurter à ma réalité terrienne, à la maladresse de mon corps très tôt grandi façon grande duduche, à ma passion ostensible et réelle pour le jazz (très jeune, j’étais déjà jazzy à donf), et à mes cheveux coupés (par elle, d’ailleurs – incohérence due à sa propre histoire difficile de féminité) à la garçonne – alors que, toute petite, je connaissais déjà les légendes autour de la coiffure de Sissi : 5 kg de cheveux qu’on mettait trois heures par jour à lui coiffer, et sa phobie des cheveux morts, qui déclenchaient en elle des angoisses insurmontables -, le rêve de moi valsant était le plus récurrent, surpassait toute réalité, elle le kiffait un max.

Et elle n’a pas lâché l’affaire jusqu’à sa mort, alors qu’il aurait été évident, pour n’importe qui d’autre, qu’avec moi dans le rôle, c’était le casting foireux par excellence, le pari perdu dès le début. Mais pour elle, une sorte d’espoir absurde qu’un jour, je ferais enfin ce pour quoi j’étais venue sur terre.

En tout cas, pour moi, quand retentissait enfin la Radestzky march, qui termine invariablement le concert, l’année pouvait enfin commencer.

J’allais me mettre à mon piano sans un mot, signe évident que, pour moi, c’était la musique, et pas la danse. Et point final. Je me rappelle que je commençais toujours, à ce moment-là, par un des premiers morceaux que j’ai su jouer, une danse russe plus ou moins authentique, marquée par une basse d’une raideur et d’une rudesse réjouissantes, qui me semblait le summum du bolchévisme.
En guise de message « plus subliminal que ça tu meurs ».

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2020

En fait, j’étais partie aujourd’hui, en ce premier de l’an, pour dériver dans ce billet autour de l’année 2020, et dès que j’ai pris la plume, je suis encore partie ailleurs. Damned !

Pourtant, je voulais vous causer…

…des homonymes de vingt, et particulièrement de la conjugaison de vaincre (je vaincs, tu vaincs, il vainc, vous vainquez…) qui m’a dissuadé jusque là de vouloir vaincre quoi que ce soit (à commencer par les pas de la valse).

…de 20 et 20, qui ne font pas quarante, pour le coup (mais on s’en fout comme de l’an quarante).

…de la quarantaine qu’on frise et et la vingtaine sur la capillitude de laquelle on sait que dalle

…des quarantièmes rugissants qui me font me demander si les vingtièmes miaulent .

…de la permanence du vingt (pourquoi vingt et pas trente?) dans les jurons : vingt rats, vingt dieux la belle église, vingts bleus (les mêmes dieux, mais « incognito », pour ne pas avoir l’air de jurer), vingt étant apparemment l’équivalent de « maint » en opposition au dieu unique…

…des dates comme des heures-miroir : ces chiffres doubles qui, quand on les croise, signalent indubitablement la présence d’un ange gardien ; celui de 20 h 20 vous met en garde devant un souci imminent, en rapport avec votre précipitation dans une décision quelconque. C’est en quelque sorte l’ange de la procrastination : méfiez-vous et soyez indépendant, qu’il vous dit… Quand l’heure miroir est une année, alors, gardez-vous à droite, gardez-vous à gauche !

…du principe empirique de Pareto, qui me semble d’actualité : 80 % des effets sont le produit de 20 % de causes, et la réalité comprend aussi un excédent à ces 100 %, qui est la « zone de risque, qui dépasse les capacités d’analyse » (on s’y croirait, non? Les 80 années à venir vont être le pur produit des 20 premières, et on est plein pot dans la zone de risque, dans une absence de capacité d’analyse des bougres qui font le monde qui est juste sidérante)

…de la symbolique numérologique du 20, qui indique le changement (si seulement!), la carte du jugement en tarot, et tutti frutti.

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Centenaire

Mais finalement, à cause de Strauss et de l’histoire familiale, à cause de la danse, à cause de ma tante préférée (née cette année-là), je vais plutôt retenir que l’année qui commence est le centenaire de 1920, des débuts de l’aviation, des années folles, du « plus jamais ça » (tiens, c’est pas ce que se disent beaucoup de français après le discours apaisant du misérable micron ?), du jazz en France, du charleston, des revues nègres, de Joséphine Baker, de ses bananes et de sa remarquable et indépendante façon de tracer sa vie, de la première jupe au-dessus du genou, de la libération des moeurs…

L’année qui commence, en résumé (t’avais besoin de tout ça pour en arriver là ? Ben oui, sorry), je nous la souhaite dans l’esprit du centenaire (bientôt mon âge) : jazzy, folle, balayeuse de toute la morbidité qu’on vient de subir, celle dont les puissants saupoudrent le monde, et futile, combative, gaie, improductive, non performante, foutraque, artistique, solidaire, sans peur.

Je pense à Totor et à « Ce siècle avait 2 ans, déjà Napoléon perçait sous Bonaparte ». Et l’association qui me vient (comment naissent les associations dans ma tête, je ne sais pas, désolée, c’est out of control) est celle du minus casseur qui se la jouait Jupiter, au début de son règne, et de l’urgence qu’il y aurait à le dégager fissa avant qu’il ne casse tout, maintenant que le siècle a 20 ans. Sans attendre plus.

Et si le krach boursier qu’on nous annonce venait, mieux que celui de 29, à bout du capitalisme, qui c’est qui serait aux anges ?

Bibi !

Allez, les gens, on ne lâche rien, ok ?

Et on œuvre ensemble à un monde moins merdique ?
Un monde où les enfants puissent encore approcher la mer, la nature, et toucher du doigt leurs rêves gratuitement, et sans danger.

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Je vous embrasse.

Et fuck la valse, et vive le tango !

 

©bleufushia


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Entre deux feux

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©bleufushia (Ajaccio)

Je vous avais laissé en plan (Cf. Saint Glinglin, prochain arrêt*) sur le flou artistique régnant autour de la notion de senior.

Une petite piqûre de rappel en guise d’intro au propos du jour :

  • Un senior est plus vieux que d’autres plus jeunes, mais on ne peut pas qualifier comme ça un ado par rapport à un bambin. On est toujours le vieux de quelqu’un, mais quand on est senior, ça s’aggrave (au fait, je ne sais pas comment on dit en Espagne : un señor senior ? Et pour une femme? una señora senior ? Mais je m’égare !)

  • La limite inférieure de l’âge où on commence à le considérer comme tellement mûr qu’il est proche du blet est variable : 45 ans pour certains, 55 pour d’autres, ou 60, ou 62 – moment de la retraite, qui est sans cesse reculé – mais avant 70 ans (limite évoquée récemment par notre beau gouvernement, pour choisir entre toucher sa retraite ou accéder aux soins)

  • quand on a « l’âge de ses artères » (expression, vous l’avez remarqué – qui ne s’emploie pas pour toute personne ayant des artères qui la laissent « déjeûner en paix »), on est coincé dans un entre deux mouvant : entre la foule des plus jeunes, qui ne cesse de nous reléguer toujours plus loin, et le statut de personne âgée – « celle qui est proche du décès ».

    « Proche comment » était une des questions qui est restée en suspens.

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Burning man

After ze Saint Glinglin : FEU !

Aujourd’hui, je voudrais surfer sur la brûlante actualité du moment : la mort de celui qui voulait qu’on mange des pommes.

Depuis, lui avaient succédé ceux qui préconisent qu’on mange cinq fruits et légumes par jour, sans se préoccuper du fait que tout cela coûte un « pognon de dingue ». A son époque, un seul suffisait encore. Mais ce n’est pas le sujet.

« Ne chantez pas la mort, c’est un sujet morbide** », certes , mais c’est aussi, enfin, un sujet sûr et tangible.

Il y a un avant : la vie ;

un passage ;

après quoi, on est trépassé, mort, clamsé, fini.

C’est clair, et ça a l’avantage de mettre un terme à ce truc mouvant et vaseux des dernières décennies (dans le meilleur des cas) de l’étape précédente.

Quand on est mort, on est mort. Point !

Justement, Chichi (on l’appelait comme ça à mon époque) vient de « mordre la poussière ». On dit ça de ceux qui ne le sont pas encore redevenus. Sans préciser d’où vient la poussière « mordue ». Peut-être, dans ce cas, que Bernadette ne faisait plus beaucoup le ménage ces dernières années. Enfin, d’ici à ce qu’elle se soit solidifiée, quand même !

En s’éteignant, comme la flamme d’une bougie dont la cire a fondu, il relève d’une terminologie nouvelle : il devient « feu » Chichi.

Etonnant paradoxe du langage.

La nouvelle de son décès « met le feu » fort à propos (mais ce n’était pas son propos personnel) enfouissant dans le silence des medias d’autres informations qui auraient dû couvrir un feu plus gênant.

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Effacement (dessinateur non identifié) street art Ajaccio

« Feu », ici, n’a rien à voir avec le feu qui brûle, ni avec les feux qu’on brûle d’ailleurs, ceux qui vous coûtent des points (pas morts, les points).

Dans cet état-là, on ne peut pas dire de Chichi qu’il pète le feu, ni en déduire qu’il va être incinéré, pas plus qu’on ne prétend qu’il soit mort par arme à feu, alors même qu’il vient de passer l’arme à gauche – lui qui était de droite. Ni que l’attendent les flammes de l’enfer. Ni qu’il va rôtir dans le « Chaudron de » de la madame des pièces jaunes.

Non, rien de tout ça !

« Feu » signifie qu’il va émarger dans des délais très brefs, dans les actes notariaux, à l’élégante catégorie des de cujus (en italique et sans majuscule, désignation qui se prononce « dé couillouss », qu’on en ait ou pas), c’est-à-dire, de celui dont on hérite. Sans doute le de cujus date d’un temps où la femme n’avait pas de fortune propre. Et où on n’héritait que du père… Je ne serai jamais UNE de cujus, bien que j’aie des héritiers.

Apparemment, d’après ce que j’ai lu, entre les mouflets qu’il aurait peut-être semés ici ou là, et les légitimes qui ne peuvent pas se blairer, ça peut être chaud bouillant maintenant qu’il est « feu », ça risque de bagarrer sec au sein de la progéniture.

Mais c’est quoi, cette histoire de « feu » ?

Ben, c’est pas simple !

Le feu qui brûle vient du mot latin « focus », qui signifie foyer. Pour autant, je peux « focuser » sur quelque chose, avec mon appareil photo ou mon esprit, sans que les deux se consument.

Le « feu » du mort, lui, a plusieurs étymologies possibles : celle qui fait consensus le fait provenir de « fatutus », lui-même dérivé de fatum, le destin.

Même avec cette étymologie-là, il a connu selon les époques des sens divers, en commençant par celui qui a une mauvaise destinée (mais tous les morts en ont une, qui les fait mal finir, puisqu’ils meurent, et ce, que leur destinée terrestre ait été bonne ou mauvaise), pour se transformer en « celui qui a accompli son destin », plus vague. Ou plus simplement, celui qui fut.

Vague aussi, le genre de l’adjectif qui s’accorde ou pas, selon (feu ma mère, mais ma feue mère). Il a l’air d’être le seul dans son genre.

Mais, encore plus vague, tout le reste.

Jugez-en par vous-mêmes.

Je peux employer « feu » pour désigner quelqu’un qui est mort « depuis peu ».

Quand il est mort depuis « un peu plus longtemps », on doit employer le terme de défunt.

Le temps dont il est question ici est imprécis. Un peu, ou un peu plus, allez, on ne va pas en faire un fromage. Mais quand même, y a du génie à employer des termes différents pour qualifier des trucs relativement pareils.

Ça recommence, comme avec les seniors… au-delà de la limite, le flou continue !

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« Notre maison brûle et nous nous regardons ailleurs » (2002, toujours actuel !)

Feu désigne en tout cas un mort récent.

Si une autre mort advient (dans la famille, ou dans la catégorie – ici, chef d’état), le « feu » devient aussi sec « défunt ». Et pouf, abracadabra !

On peut donc, selon, rester « feu »un temps variable.

Si Giscard cassait sa pipe demain, le « feu » de Chichi partirait en fumée en une seconde. Franchement, ça ne serait pas juste, vous ne trouvez pas ? Les medias ne pourraient même pas profiter de ce « point mort » (stade auquel, dans les entreprises, une affaire devient rentable).

Le temps serait aussi (mais c’est une interprétation qui peut être contestée) lié à la longueur du deuil, qui est elle-même totalement variable : de deux ans pour une femme envers son mari (deuil complet, sauf au bout de 22 mois où elle a le droit de se remettre à boire du thé), il est réduit à à peu près rien pour un mari envers sa femme, et je ne vous dis pas les « normes » qui régissent le rapport à la fratrie disparue, ou au lointain cousin d’Amérique.

En plus, normalement, on emploie « feu » pour désigner quelqu’un qu’on a pu voir, sans que l’on sache maintenant si le contact visuel consiste à l’avoir vu en chair et en os.

Vous avez en tout cas repéré que je peux considérer, moi qui suis cacochyme, Chichi comme feu, parce que je l’ai vu à la téloche (mais sans avoir eu besoin de consulter les archives de l’INA cependant), mais comme il sévissait dans une période que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, les jeunes en sont réduits à ne pas utiliser le terme.

Il peut être feu pour moi, mais pas pour vous.

Et chtoc ! Non mais, qu’il y ait au moins quelques privilèges à être une vieille schnokesse.

Il y a aussi des nuances.

Prenons un pape : si je dis « feu » le pape, cela veut dire qu’aucun pape n’est vivant. Mais dès que le pape disparu a été remplacé, dès qu’un nouveau pape est appelé araignée-quel-drôle-de-nom-pourquoi-pas-libellule-ou-papillon, je me dois de dire illico  « le feu » pape.

Ici, Chichi est donc « le feu » Chichi, puisque ça fait une belle paire de lunettes qu’il est out.

On peut donc être feu sans être feu pour autant. Mais en même temps, pas encore totalement défunt, quoique bien mort.

Ça vous défrise, hein ?

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la petite danseuse d’ombre Monch

En tout cas, le truc sûr, c’est qu’il est clamsé et que la magie du « feu » opère : si on écoute ceux qui parlent dans le poste, il brille de tous les feux positifs possibles. Tout est oublié. Delete… et focus sur l’image idéalisée.

Un dernier truc m’intrigue  : le 2 novembre est le jour des morts, qualification brève qui remplace l’authentique dénomination, plus longue, la « commémoration des fidèles défunts ».

Que deviennent les pistachiers, ce jour-là *** ?

Pour finir en simplifiant le débat tout en l’élevant, je laisse la place à Bouddha himself.

« Il y a, ô brahmane, trois sortes de feux qu’il faut abandonner, qu’il faut éloigner, qu’il faut éviter.

Ce sont le feu de l’avidité, le feu de la haine et le feu de l’illusion. »

Y a du boulot, braves gens.

©bleufushia

* Pour lire Saint Glinglin, prochain arrêt, c’est par là :

https://wordpress.com/post/bleufushia.wordpress.com/3383

** très belle chanson de Jean-Roger Caussimon, chantée aussi par Léo Ferré

*** pistachier, nom donné en provençal aux hommes coureurs, à cause du fruit du pistachier qui aurait des vertus aphrodisiaques


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Saint Glinglin, prochain arrêt

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Alexis Solis si les super héros vieillissaient

Début juillet, c’était mon anniversaire.

Un âge un peu à la con. La période où on commence à désirer que les anniversaires n’existent plus.

Un âge très à la con, même, de mon point de vue ! de ceux qui ressemblent à une démarcation abstraite, mais lourde de conséquences, entre l’avant et l’après.

Et ce, en pleine canicule.

J’ai donc fait la grand-mère modèle, je me suis fait arroser par mon petit-fils, pendant qu’il évoquait le moment futur où je serai « très disparue », et la peine que cela lui fera.

Pour le moment, je l’ai rassuré, je ne suis pas encore disposée à être « très disparue » (encore qu’en tant que retraitée, je sois clairement – et normalement au demeurant – disparue des radars professionnels, et reléguée au rang de fardeau et de parasite encombrant pour la société par les politiques, qui ont comme seul avis à mon sujet que je coûte un pognon de dingue pour rien, alors que je pourrais dégager du milieu si j’avais un tant soit peu d’élégance).

Donc, encore là, la vioque, sans être forcément apte à affronter ma « propre contemporanéité » (comme ils disent dans le poste). Ça, je ne lui ai pas dit pour ne pas l’angoisser.

Mais contemporaine de quoi, au juste, à part, vaguement, de moi-même ?

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auteur non identifié

Michel Serre évoquait à la radio, dans sa dernière interview, juste quelques jours avant sa mort, la disparition de 35000 mots depuis la dernière édition du dictionnaire de l’académie française, et parmi ceux-là, des 93 mots qui permettaient de décrire l’ensemble et les détails de la façade de Notre-Dame. En expliquant comment ce qu’on ne peut plus nommer perd d’abord de sa réalité, puis de son existence. Pour Notre-Dame, quelque chose de presque pire qu’un incendie.

Ça m’a fait penser à cette vieille maison auprès de laquelle je suis passée maintes fois. Sur le mur, l’inscription « rayon de soleil » est devenue « rayon de so », « rayon de », « rayo », avant de disparaître complètement, et de laisser la place, instantanément, à du neuf, comme si la disparition du nom seule avait fait s’évanouir la maison.

En fait, je rentre dans un âge qui n’est pas bien défini, ni même clairement nommé, qui n’a pas un statut précis, où on est relégué en dehors des cadres, de la vie et des clous (mais, les clous, je sais pourquoi, un pote m’a dit que j’étais toujours hors des clous, cause que j’étais pas fakiresse, ceci expliquant cela)…

En cherchant à quelle catégorie je suis censée émarger maintenant, je suis tombée sur un os. Personne n’est d’accord sur les mots, justement.
Je suis façade de cathédrale !!!

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Je me suis documentée, assez fascinée : je ferais désormais, paraît-il, dans la seniorescence. Bigre, bougre et cancrelas ! Quelque chose de la fluorescence, sans le fluo, quoi ! Même pas de quoi scintiller dans le noir.
Genre truc qui en impose, mais non…

« Ne qualifions pas d’âgée une personne avant que son décès ne soit proche », dit cependant un monsieur précautionneux dont j’ai zappé le nom.

Ouf ! D’accord, mon gars. Est-ce que c’est la personne elle-même qui se qualifie toute seule d’âgée ? Ou sinon, comment on détermine la chose, sans avoir l’air pousse-au-crime et prédateur d’héritage ? Et combien de temps avant le décès le stade de vieillitude se déclenche-t-il ? un jour ? une semaine ? un mois ? un peu de précision, que diable ! Est-ce que l’âge du décès a un rapport avec l’âgitude ?

rrrr

Bon, procédons par ordre : je ne suis plus la « ménagère de plus de cinquante ans » (bien que j’aie toujours plus de 50 ans – mais cesse-t-on d’être ménagère, même quand on ne l’a pas été ?), pas une « vermeille », qui n’existe plus (c’est dommage, c’était bien, un nom de métal précieux – « merveille, un réveil vermeil ! ») et plus totalement une « silver » (les vieux aux tempes blanchies qui ont encore des pépettes, cibles de la silver économie), ni une senior – alors que, pourtant, dans « seniOR, il y a de l’or ». Et puis, senior voulant dire plus vieux, se pose tout de suite la lancinante question : plus vieux que qui ? J’hésite aussi entre le troisième et le quatrième âge (selon qui classifie ; certains mettent le début de la senioritad à 45 ans !) sans être non plus une « personne intemporelle », nouvelle catégorie assez pratique pour désigner un no man’sland de rien du tout après l’âge où l’on est exploitable. Je suis mûre, mais pas encore totalement blette.

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blog de togram

Quelque part, perdue entre la trottinette et le déambulateur. Juste avant le monte-charge dans l’escalier. Une à qui on laisse la place dans le bus, en tout cas. Une dont le corps commence à être « élastiquement rigide ». Et qui a du mal à « réorganiser ses journées », la pauvre.

L’être que j’ai été, qui s’est façonné au cours des années, de l’expérience, du travail sur soi, paraît émarger maintenant aux abonnés absents, au profit d’un truc zarbi. Je suis « inactive », « retraitée » et j’en passe.

Juste plus du tout ce que j’étais, par un tour de passe-passe en traître : une date fatale et hop, dans la fosse !

Que du bon, bien positif, bien réjouissant…

Pourtant, j’ai été win win, et plutôt « street qu’antique » (une question que me pose ce jour le magazine que je feuillette mollement – pas quantique pour un sou), et si je vais vers la stase et le has-been, c’est avec le souvenir encore présent de la mobilité.

Et comme disait l’autre, je ne suis pas vieille, je suis expérimentée.

Ha ha !

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Deab bradshaw « golden years »

Ce fameux jour d’anniversaire, les réseaux sociaux ciblés m’ont abreuvée de publicités ciblées. D’infos, d’articles : j’aurais voulu ignorer dans quel état j’erre, que ça aurait été impossible. Y en a de plus en plus, de ces pubs qui vous traquent, jusqu’à la gerbe !

Je me demande qui finance cet acharnement à mettre l’internaute devant sa réalité, bien dans la case qui lui correspond. Qu’est-ce qu’ils y gagnent, à « désespérer Billancourt » ?

Deux m’ont marquée : la première me suggérait d’acheter un bracelet électronique pour que mes proches puissent me localiser. A mon âge, c’est clair que je candidate directos à Allzheimer ! Et que ce serait bien aimable à moi de faciliter la vie des générations suivantes (je vous passe le pré-paiement de mon cercueil)

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marc denton

La deuxième me signalait qu’il fallait dare-dare que je passe aux « oldmojies ».
Un oldmojie, vous ne savez pas ce que c’est ? ben, trop fastoche, un émojie pour vioques. Et que j’abandonne les émojies à ceux pour qui ils sont vraiment faits. Que j’arrête de vouloir paraître jeune, et que j’assume à donf mon statut de pré-disparue.

Un coup du double effet kisscoolLol

T’es vieux, mais tu gagnes des oldmojies rien que pour toi, pour compenser l’effet psychologique désastreux de la carte senior, c’est trop sbop !

Et en plus, tu participes dru au combat contre l’âgisme (c’est comme ça qu’on appelle ceux qui sont racisses contre les cheveux blancs !), de l’intérieur de la place.

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Je suis allée voir, et y a un truc qui m’interpelle « au niveau du vécu » (expression de ma jeunesse de baby boomeuse : on disait même, en rigolant, « au niveau de mon vrai cul »), c’est que l’émojie, c’est essentiellement une tête sans corps, alors que l’old montre des corps avachis, en plus de tronches séniles, et d’activités à la noix de coco… pour mieux qu’on cerne la décomposition en marche.

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Bref, si je ris, faut que je mette une vieille décrépie en train de ricaner. Si je pleure, je tricote sur un fauteuil roulant. Et si je suis combattive, je me déguise en wonder woman ridicule, qui ne ferait même pas peur à une mouche.

C’est un truc aussi à la con que mon âge, parce que moi, quand je rigole, j’ai définitivement 12 ans, et un corps prépubère qui se trémousse à la faveur des vagues que le rire propage en moi.

Et je me continuerai à me bidonner avec un déambulateur comme si j’étais restée fixée à cet âge-là.

A 12 ans pour le rire, à 15 ans pour les rêves, à 3 ans pour les terreurs, à 7 ans pour la curiosité, à 6 ans pour la fantaisie, à un an pour l’équilibre et l’audace, à 16 ans pour l’anarchisme, à 20 ans pour la tendresse, à 10 ans pour les gros mots, à toujours pour l’irrévérence et la révolte…

Et je rigolerai avec les copines. Comme des gamines. Jusqu’à la fin, à la barbe des cul-cousus.

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Et, je le dis là solennellement, là, juste là, et devant témoins, désormais, j’emmerde copieusement ma date de naissance.

Qu’elle aille se faire voir dans l’enfer des gens bien comme il faut ! 😊

©bleufushia